Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/168

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Étranger, cède le chemin au Roi. — Mais lui marchait en silence et avec fierté. Et les sabots des chevaux rougirent de sang ses pieds… Mais qu’est-il besoin de raconter ce qui est en dehors de nos maux ? Or, le fils tua le père, et, se saisissant du char, il le donna à Polybos qui l’avait nourri. Mais, comme la Sphinx opprimait la Ville, et mon mari n’étant plus, Kréôn mon frère fit proclamer qu’il me marierait à celui qui comprendrait l’énigme de la Vierge rusée. Et il arriva que mon fils Oidipous comprit l’énigme de la Sphinx, et il devint ainsi le maître de ce pays, et il reçut en récompense le sceptre de cette terre. Et le malheureux, sans le savoir, épousa sa mère qui, sans le savoir, coucha avec son fils. Et j’ai conçu de mon fils deux enfants mâles, Étéoklès et l’illustre Force de Polyneikès, et deux filles. Son père nomma l’une Ismènè, et l’autre, qui était l’aînée, je la nommai Antigonè. Mais quand il sut que mon lit était à la fois celui de sa mère et de sa femme, Oidipous, accablé de tous ces maux, leva une main meurtrière contre ses yeux et les creva avec des agrafes d’or. Dès que la joue de mes fils fut ombragée, ils enfermèrent leur père afin que cette calamité fût oubliée, mais toutes les ruses étaient vaines pour cela. Il est vivant dans les demeures, mais irrité de cette destinée, il profère des imprécations très impies contre ses enfants et souhaite qu’ils déchirent cette famille avec le fer aigu. Et ceux-ci, craignant que les Dieux n’accomplîssent les imprécations s’ils habitaient ensemble, convinrent que le plus jeune, Polyneikès, s’exilerait d’abord volontairement de cette terre, et qu’Étéoklès, restant, possèderait le sceptre de ce pays et le cèderait à son tour dans une année. Mais, une fois assis au banc du commandement, Étéoklès ne céda point le thrône, et il chassa de cette terre Polyneikès