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pables désirs. Elle tâchait, de bonne foi, d’innocenter sa pensée tournée vers Damase et fuyait toutes les occasions d’être près de lui et même de le voir. À table, il lui fallait bien s’asseoir à côté du jeune homme, lui parler, le regarder ; mais elle observait en ceci une grande réserve, et, hors de là, l’évitait avec soin, et m’allait plus, comme auparavant, dix fois le jour à l’étude, sous un prétexte quelconque. Le soir, elle s’enfermait héroïquement dans sa chambre, comme pour s’interdire, par cet acte matériel, la pensée et la possibilité de recommencer une de ces ascensions nocturnes dont le souvenir la troublait. Elle contenait sévèrement la passion qui la dévorait, sentant bien qu’à la moindre imprudence elle était perdue.

Pendant quelque temps, Damase ne fut pas étonné de cette attitude ; il comprenait cette bonne foi de la femme pieuse et croyante qui s’efforçait de tenir sa parole et de justifier l’absolution qu’elle avait reçue : il l’en eût estimée moins de revenir à lui au lendemain de ses dévotions. Mais il était jeune, et sa liaison avec Mme Boyssier avait eu trop de charmes pour qu’il acceptât indéfiniment cette nouvelle situation. Le souvenir de l’amour qu’elle lui avait si tendrement témoigné, des plaisirs qu’il lui devait et de ceux qu’il lui avait donnés, lui faisaient désirer ardemment le retour des nuits heureuses des premiers temps. De ce désir résulta un changement dans sa manière d’être avec elle. Au commencement, elle avait fait toutes les avances, elle s’était offerte, presque imposée, et, maintenant, c’était lui qui la recherchait, qui lui témoignait, par ses paroles, par ses regards, que sa pensée était occupée d’elle ; c’était lui qui s’efforçait de renouer cette intimité délicieuse dont le souvenir le poursuivait. Maintenant, l’amour de Mme Boyssier lui était devenu nécessaire. Il s’était habitué à ces