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semblait le prolongement d’un front étroit et haut comme un chanfrein de cheval ; un nez long, gros, énorme, bien constitué en os, cartilages, chair et tout ; un de ces nez phénoménaux qui font retourner les femmes curieuses.

En arrivant, le nouveau domestique fut droit à la cuisine. Il avait l’air de connaître les aîtres de la maison, en sorte que la Martille en fit la remarque :

— Ça n’est pas étonnant, dit-il, mon père a demeuré vingt ans métayer à Fontfrège, sous les mains du défunt monsieur ; et, quand j’étais jeune drôle, je portais ici des champignons à la saison… et puis des grives l’hiver, prises sous les tuiles… J’ai vu la demoiselle toute jeunette…

— Ah ! bien, bien…

Valérie ne se souvenait point de ce garçon, mais, en voyant pour la première fois le nez extraordinaire qui avait valu à son propriétaire le sobriquet dont il était affublé, elle éprouva une impression désagréable, très explicable d’ailleurs, car ce nez achevait de rendre Jules, non seulement fort laid, mais encore donnait à sa physionomie quelque chose d’ignoble. Le soir, en se couchant, elle dit à sa chambrière, par manière de plaisanterie :

— Tu ne l’as pas choisi pour toi, celui-là !

— Non, ma foi, il est trop vilain !… et puis, à ce que dit le piéton, c’est un Barbe-Bleue… ajouta-t-elle en riant…

Mlle de La Ralphie ne prit garde tout d’abord à ce propos, mais, quelques jours après, elle se surprit examinant à la dérobée le nez monstrueux de Jules.

« Quel goujat cette pauvre Martille a trouvé là ! » pensa-t-elle.

Pourtant, comme l’avait dit le piéton, c’était un vaillant, ce Nasou. Dès la « pique du jour », il était