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manquer une occasion unique pour son avenir, mourut, à Guersac, Mentillou, le mari de la cuisinière. Il fallut se mettre en quête d’un autre domestique pour faire marcher la réserve. La Martille fut deux dimanches de suite à Fontagnac, et, après avoir pris langue à l’étude Boyssier, arrêta, « en se réservant sa demoiselle », selon l’usage, un garçon appelé Jules Tessonnier et surnommé le « Nasou ».

Le lendemain, avec l’assentiment de sa maîtresse, elle lui manda par le piéton de venir au plus tôt, tout étant en retard depuis la maladie du défunt Mentillou.

— Alors, vous prenez le Nasou à Guersac ? dit l’autre, goguenard, après avoir reçu la commission.

— Oui… Est-ce que ça n’est pas un bon domestique ?

— Oh ! si ; c’est un rude travailleur, un vaillant… seulement il a deux petits défauts…

— Et quels ?

— Voilà ! Il se saoule tous les dimanches…

« Il n’est pas le seul ivrogne », pensa la Martille en regardant le nez rouge de son interlocuteur.

— Ah ! et puis ? demanda-t-elle.

— Et puis… et puis… c’est un Barbe-Bleue… Ainsi, prends garde à toi !

Et le facteur s’en alla en riant.

Le jour suivant, Jules ayant reçu le message verbal accompagné d’une réflexion égrillarde du piéton, arriva au château, portant tout son bagage dans un havresac. C’était une sorte de faraud de campagne, ancien remplaçant réformé pour une légère boiterie, suite de la luxation d’une cheville. Au physique, il était court de taille, large d’épaules, trapu et fort. Il n’avait dans toute sa personne rien de remarquable que son nez ; un nez large de la base, qui