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Fontagnac, Mlle de La Ralphie, lassée de sa ténacité, résolut de le recevoir et d’en finir avec ses importunités. Mais sa première impression fut la surprise. Introduit dans la salle où elle se tenait, le vicaire, après les premières civilités et des excuses très humbles sur son insistance, commença par des protestations de pieuse condoléance et continua par des considérations générales sur la brièveté de la vie, sur la certitude d’une existence future, sur le néant des affections humaines. Il s’étendit particulièrement sur la miséricorde de Dieu qui était infinie, sur sa bonté qui guérit les blessures du cœur. Il parlait couramment, répétant ces lieux communs d’une voix qu’il s’efforçait de rendre onctueuse et persuasive. Tandis qu’il discourait, assis dans un fauteuil que lui avait avancé La Martille, Mlle de La Ralphie l’examinait avec un sentiment encore indéfinissable où dominait la curiosité. Sa tête, énorme et carrée, était encadrée par des cheveux noirs, qui à la mode ecclésiastique d’alors, tombaient sur son cou, épais et luisants. Ses yeux bruns, un peu saillants, n’avaient aucune expression caractérisée. Ses traits n’avaient rien de remarquable, sinon que leur ensemble donnait l’impression de la force. Cette tête allait bien sur des épaules larges et massives où s’emmanchaient des bras puissants. Son rabat tombait sur une large poitrine dont les muscles se dessinaient en vigueur sous la soutane. Les mains de l’abbé reposaient sur le fauteuil, épaisses et velues jusque sur les doigts. En contemplant cet hercule ecclésiastique, Mlle de La Ralphie oublia ses dispositions peu bienveillantes. Tout en écoutant distraitement l’homélie de l’abbé Sagnol, son attention fut attirée par le cou de taureau qui sortait du col bas de sa soutane. Au-devant, jusqu’à la pomme d’Adam, pointait une langue de poils noirs montant