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le délaissement dont elle avait été l’objet, elle, la noble fille qui avait honoré de son choix un amant obscur et sans naissance. Elle lui remettait le passé, elle irait le trouver, et elle avait la confiance que s’ils se retrouvaient en présence, que si elle l’enveloppait de son regard troublant, les bras de son amant s’ouvriraient pour la serrer sur son cœur ; et, dans son rêve, elle entrevoyait le retour du bonheur perdu.

Un soir, après souper, tandis que le vent d’automne gémissait dans les galetas du château et que la pluie battait les volets fermés de la salle à manger, M. de Lussac qui ne quittait plus Guersac, enfoncé dans un fauteuil, les yeux mi-clos, digérait paisiblement devant un feu de sarments, le premier feu de la saison, allumé contre l’humidité plutôt que contre le froid. Absorbé par cet acte important de la vie animale, l’ancien page de Madame ne voyait pas son hôtesse dont les yeux, obstinément fixés sur le foyer, accusaient de profondes réflexions :

— Oui, c’est décidé, fit-elle tout à coup.

— Quoi donc ? demanda-t-il, réveillé en sursaut.

Alors, elle lui fit part de son projet. Elle allait partir et tenter une réconciliation.

— Vous aurez une mauvaise traversée ; la mer est dure en cette saison dans le golfe du Lion.

Valérie fit un geste d’insouciance.

— Oui, je sais, dit-il, ces considérations pèsent peu en pareille occurrence.

Il poursuivit :

— Je crois que ce jeune homme sera heureux de vous recevoir : il vous aime trop pour qu’il en soit autrement. Peut-être oublierez-vous tous deux un moment les choses qui vous séparent ; mais si je juge bien son caractère, il sera inflexible en définitive sur ce