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qu’importait tout le reste, à côté de la réalité après laquelle elle haletait ? Puisqu’il n’acceptait pas l’existence irrégulière dont elle se serait arrangée ; puisqu’il refusait de laisser soupçonner sa délicatesse en vivant avec une maîtresse riche, eh bien ! elle serait sa femme… Mais, lorsqu’au grand jour, les conséquences de cette détermination lui apparaissaient, elle se reprenait : « Mme Vital », murmurait-elle, en se promenant dans le petit parc ou sur la terrasse : « S’appeler Mme Vital ; non, cela ne se peut pas ! Un bâtard de l’hospice que chacun a vu ici dans une humiliante domesticité ! Noblesse oblige ; je ne ferai pas cet affront aux La Ralphie, mes ancêtres ! » Puis, suivant sa pensée, elle venait à songer à ce qu’il lui avait dit à Hyères, de l’origine obscure et roturière de sa propre famille ; et le rouge de la colère lui montait au front. Oh ! cela, elle ne pouvait le pardonner ! Il l’avait blessée personnellement, elle l’oubliait ; il l’eût injuriée, battue, qu’elle l’aurait encore pardonné ; mais s’attaquer à sa noble race !

Et, tôt après, dans une explosion de passion, elle se disait : « Que ne suis-je une bourgeoise vulgaire ! Si je m’étais appelée Amélie Beaufranc, par exemple, je n’aurais pas eu honte de changer ce nom pour celui de Vital. » Mais, ensuite, elle s’accusait de lâcheté. « Quand on a, pensait-elle, l’honneur de s’appeler du Jarry de La Ralphie, lorsqu’on a du sang des Bourbons dans les veines, on ne consent pas, même en esprit, à ce qui serait une déchéance ! »

Et, tiraillée en sens différent par ses désirs et par son orgueil nobiliaire, elle devenait capricieuse et fantasque. Il lui passait dans la tête des bouffées de colère en se sentant enfermée dans un dilemme dont les deux termes lui étaient également inacceptables : céder à Damase ou renoncer à lui ; devenir