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vaincu du « jus de la treille », comme disent les chansons, quoique, en réalité, le jus de la treille fasse du vin détestable ; témoin le vin de branche du Ribéracois, où on a la déplorable coutume de faire grimper la vigne sur les noyers et autres arbres. La Loutre donc, un dimanche soir, en faisant chez le Farou une quadrette, largement arrosée, laissa entendre, après de nombreuses pintes vidées, qu’il en savait long sur le sujet qui tenait en état de fièvre les Fontagnacois. Ses trois partenaires, et surtout Batistou le cordonnier, son beau-frère, essayèrent en vain de le faire achever. Batistou eut beau invoquer leur camaraderie d’enfance, leur alliance et cette fraternité créée depuis de longues années par tant de chopines vidées ensemble ; il eut beau l’appeler jean-foutre, viadaze, rien n’y fit, La Loutre n’était qu’éméché, il résista victorieusement.

Bientôt toute la ville sut que le pêcheur connaissait le secret qui troublait les nuits de ses concitoyens, et le malheureux fut assailli de sollicitations pressantes sous les formes les plus diverses. D’abord, sa femme le réveillait la nuit d’un coup de coude.

Pierre, qu’es aquel ?

Puis les voisins, les camarades, les amis, tour, pour mieux dire, après avoir causé un instant avec lui, ne manquaient pas de lui poser la même question. Le pauvre diable jurait par son âme qu’il n’en savait du tout rien : il avait dit ça pour coyonner, parce qu’en jouant son beau-frère ne parlait d’autre chose et que ça l’embêtait. Mais personne ne le croyait et on le traitait tout uniment de jean-foutre, comme Batistou.

La vérité, c’est qu’il avait une bonne pratique à Guersac et qu’il ne se souciait pas de la perdre.

Les bourgeois aussi cherchaient à lui tirer les vers