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mépris pour cette bourgeoisie dégénérée qui se traînait à la remorque des prêtres :

— Celui qui n’est pas capable de diriger sa conscience tout seul n’est pas un homme ! dit-il rudement un jour à un habitué du confessionnal de Turnac.

On se demandait à Fontagnac où l’ancien domestique de M. de La Ralphie et du notaire avait pris tout ce qu’il disait.

Certes, c’était l’abomination de la désolation que des gens nés pour vivre et mourir dans une humble condition osassent se révolter contre les personnes qu’ils devaient respecter ; contre les prêtres, les riches, les nobles, visiblement établis par Dieu pour commander et régir le peuple. Tout cela venait des mauvais livres publiés à foison au dernier siècle ; du poison de la philosophie répandu partout par Voltaire, Rousseau et consorts ; ainsi parlait l’abbé Turnac, en visite chez Mme Decoureau.

Après quelque temps, Damase, fatigué de son inaction et songeant à l’avenir, se demandait ce qu’il allait faire. La maison du défunt Caïus l’abriterait sans doute, et les quelques « quartonnées » de terre et de vigne de l’héritage suffiraient à le nourrir. Il pouvait passer sa vie là, pauvre, mais indépendant. C’était une existence obscure et paisible, une voie toute tracée. Mais l’homme se résout difficilement au repos et à la tranquillité avant d’être fatigué par les luttes de la vie. Damase, qui sentait bouillonner en lui l’audace et l’esprit aventureux de la jeunesse, qui rêvait une existence active et pleine, ne pouvait s’y résoudre.

Mais, que faire ? Végéter toute sa vie dans une autre étude à Fontagnac ou ailleurs ? Il eût mieux aimé cultiver son petit bien. Il était trop âgé pour ap-