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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

aucune croyance. Vous êtes franc-maçon, socialiste, anarchiste, catholique : je n’ai pas à m’en soucier, moi, État, ou qui exerce le contrôle au nom de l’État. L’État n’a pas et ne saurait avoir de dogme. Il n’y a pas de catéchisme d’État : il n’y a pas d’hérésie pour laquelle l’État puisse disqualifier un éducateur.

Mais l’État a le droit, outre la culture professionnelle et l’aptitude pédagogique, d’imposer à ceux qui prétendent donner l’éducation certaines conditions intellectuelles et morales, dont les unes résultent de ce que l’on y opère sur des mineurs, et les autres de ce que l’on y prépare des citoyens.

1o L’enfant est un mineur. Il faut former en lui la raison, La volonté, le préparer à agir en étre libre, conscient et responsable. Il faut, quelque direction qu’on préfére, et où on l’incline, le rendre capable de choisir un jour sa direction, fût-elle contraire à la nôtre, de se passer de nous, de se séparer de nous. Toute éducation sectaire qui cache aux enfants la concurrence vivante des idées et des doctrines, qui enferme leur intelligence dans un dogme, dans les formules d’un catéchisme et d’une école, abuse de la faiblesse de l’enfant. La vraie liberté de l’enseignement, c’est la liberté dans l’enseignement, l’enseignement de la liberté. Il ne m’importe quelles seront les préférences du maître, ni ses conclusions, pourvu qu’il livre ses préférences et ses conclusions à la discussion, pourvu qu’il ne fanatise pas les jeunes âmes en étouffant à l’avance en elles toute velléité et toute possibilité d’examen.

2o L’enfant est un futur citoyen. Le régime où nous vivons est un régime de liberté. L’enfant disposera pour sa part de la destinée de la société dont il est membre. Il aura à choisir entre la paix et la guerre, un parti et un autre, une institution et une autre, un mandataire et un autre. Toute l’organisation sociale suppose la liberté morale de l’électeur, liberté extérieure — affranchissement de toute contrainte, liberté intérieure — lucidité de la réflexion, habitude de l’activité intellectuelle. Il faut donc organiser l’éducation, choisir et contrôler les éducateurs de façon qu’on développe et assure le plus possible l’indépendance et l’intelligence de l’individu.

Mais de plus le citoyen voit la liberté de penser s’exercer sans limite et sans contrôle sur l’organisation de l’État et la conduite du gouvernement. Il voit critiquer tout. Il peut critiquer tout. Pour que cette légitime indépendance des esprits n’engendre pas l’anarchie politique, que faut-il ? Une seule chose : le respect de la loi. Le droit