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G. LANSON. — À propos de la « crise du libéralisme »

de la liberté de conscience : il a tort. Ne nous laissons pas duper. La liberté de conscience est intéressée à ce qu’il puisse prier, adorer librement, seul ou avec ses frères. Là où il ne s’agit pas de cela, d’autres libertés pourront être en question, mais pas la liberté religieuse.

Le régime des propriétés, le régime des corporations enseignantes, le régime des sociétés d’assistance, les conditions de recrutement des fonctionnaires : tout cela n’a rien à voir avec la question de la liberté religieuse. Quelque solution qu’on donne en ces matières, la liberté de croire, de célébrer le culte, de vivre au cloître hors du monde, reste intacte. Ce sont là matières qui n’intéressent que les libertés civiles. La confusion ne vient pas seulement de la situation mentale du fidèle, dans l’âme duquel la foi est comme le noyau autour duquel toutes les conceptions morales et sociales s’organisent ; elle résulte aussi d’un passé historique. Il est arrivé que, par suite de circonstances diverses, l’Église à une certaine époque a été nous seulement une communion religieuse d’âmes, mais une société civile d’intérêts. L’Église a rempli toutes les fonctions sociales, police, justice, assistance, enseignement ; elle a eu un budget, des revenus pour suffire à sa tâche. Le progrès de la société laïque a exclu peu à peu l’Église de ces fonctions civiles. Les tribunaux ecclésiastiques ont disparu. Un abbé, un évêque n’entretient plus de troupes. Le pape n’est plus prince italien. Mais l’Église retient encore l’assistance et l’enseignement : elle n’y peut renoncer sans déchirement. Il semble à l’Église, il semble à ses fidèles qu’on entreprend sur la conscience religieuse quand on veut réduire la liberté religieuse au domaine réellement religieux. Cependant il n’y a ni fanatisme ni persécution à rêver une société laïque qui ferait vivre tous ses membres, sans les rejeter à la charge des Églises, une société laïque qui instruirait tous ses membres, sans abandonner aux représentants de religions autre chose que l’enseignement de la religion.

On a beaucoup obscurci par des argumentations violentes et passionnées cette question de la liberté de l’enseignement. Je n’ai ici à m’occuper que des principes. La liberté d’enseigner ne saurait résulter de la liberté de penser ; je l’ai cru autrefois, mais je n’avais pas considéré que, selon la définition de la Déclaration des droits, la liberté de chacun trouvant sa limite dans la liberté d’autrui, la liberté illimitée de résister à une doctrine fonde la liberté illimitée