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est libre de croire. Le principe ici ne peut recevoir aucune atténuation.

Mais notre histoire m’oblige aussitôt d’ajouter que la liberté religieuse ne consiste-pas à donner aux religions tout ce qu’elles réclament. Elles réclament souvent ce-à quoi elles n’ont pas droit. De très bonne foi souvent, le croyant exige, au nom de la liberté de conscience, mille choses qui pourront bien être en fait associées dans sa consciente à son sentiment religieux, mais qui pourtant, à les considérer objectivement, en sont distinctes, indépendantes, et séparables. La liberté de penser, c’est la liberté intérieure de l’esprit, nous l’avons vu, et la liberté extérieure des manifestations de l’esprit. Nous portons cette définition dans le domaine religieux. Chacun aura droit de croire ce qu’il veut, d’adhérer à l’Église qu’il veut, de professer les dogmes, de pratiquer les rites que son Église lui prescrira. Donc, liberté de croyance, liberté de culte. Liberté de s’associer à d’autres croyants pour prier ensemble ; et si l’on veut faire de tonte la vie une prière, liberté de vivre ensemble pour prier toujours. Habitation commune, vêtement uniforme : tant qu’on voudra. Que cela paraisse à d’antres, ridicule, absurde, dégradant : il n’importe. Il y a des célibataires obstinés sans engagement préalable et solennel, que la loi ne tourmente pas : qu’il y en ait avec engagement préalable et solennel, la loi n’a pas à s’en inquiéter davantage. Voyez-vous ce que ces remarques autorisent ? Les communautés cloîtrées, vouées à la contemplation, à la vie ascétique, et où moines et religieuses ne sont occupés que d’exercices de dévotion, ces communautés que certains seraient disposés à tolérer moins que les communautés enseignantes et charitables, me paraissent les plus justifiables de toutes. Mais au delà commencent les difficultés. Dès que la vie extérieure du croyant n’est plus la simple et directe expression de son activité mystique, dès qu’elle se développe hors du terrain proprement religieux, dans le domaine des intérêts économiques et des fonctions sociales, alors le croyant à beau annexer tous ses modes d’activité à son activité mystique, et donner ceux-là comme des prolongements nécessaires de celle-ci : nous ne sommes pas obligés de le croire. Il n’a plus droit à une liberté illimitée, dès qu’il ne s’agit plus simplement de la relation mystique qu’il établit entre son Dieu et lui, et de la prière ou du culte qui exprime cette relation. Si, devant les limites que la loi pose à son activité sur d’autres terrains, il s’indigne, il crie à la persécution, à la violation