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Le brigadier Frédéric.

Souvent, quand l’arrivais à l’heure du déjeuner, il m’avait offert un bon verre de vin, mais jamais l’idée ne lui était venue de me faire asseoir à sa table.

« Asseyez-vous là, dit-il. Hé ! Virginie, apportez un couvert pour le brigadier. Vous pouvez servir. »

Figure-toi mon étonnement et ma satisfaction. Je ne savais comment le remercier ; lui n’avait pas l’air de voir mon embarras. Il commença par ôter sa tunique et par mettre un paletot, en me demandant :

« Vous avez bon appétit, père Frédéric ?

— Mais oui, monsieur l’inspecteur, cela ne manque jamais.

— Allons, tant mieux, tant mieux ! Goûtez-moi ce bifteck ; Virginie est une bonne cuisinière ; vous m’en donnerez des nouvelles. À votre santé !

— À la vôtre, monsieur l’inspecteur. »

J’étais là comme en rêve ; je me disais :

« Est-ce bien toi, Frédéric, qui déjeunes ici dans cette belle chambre, avec ton supérieur, et qui bois ce bon vin ? »

Enfin, j’étais embarrassé.