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Le brigadier Frédéric.

dans tous les bestiaux de la plaine et de la montagne, pour remplacer tes misérables biques, après m’avoir volé par ce moyen mes deux belles vaches suisses, tu n’es pas encore content. Tu oses encore te plaindre, et rabaisser ces braves gens qui ont fait leur devoir ? »

À mesure que je parlais, songeant que le gueux était cause de la maladie de la grand’mère, la colère me gagnait de plus en plus ; j’aurais voulu me retenir ; mais c’était plus fort que moi, et tout à coup, empoignant mon bâton à deux mains, je courus sur lui pour l’assommer.

Par bonheur Fîxari, le boulanger, assis à côté de ce vaurien, voyant ma trique se lever, para le coup avec sa chaise, en s’écriant :

« Père Frédéric, à quoi pensez-vous ? »

Cela produisit un effet terrible, toute la salle était en l’air et nous séparait. Lui, le bandit, se trouvant derrière les autres, levait le poing et criait :

« Vieux gueux ! tu me payeras ça !… Les Allemands n’ont pas voulu de toi… monsieur l’Oberfœrster t’a jeté dehors… Tu aurais bien voulu prendre du service, mais on te connaissait, on t’a fermé la porte au nez… Cela te