Page:Erckmann-Chatrian - Le brigadier Frédéric, 1886.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
Le brigadier Frédéric.

Moi, je ne me méfiais de rien, et je lui répondis :

« Catherine, ne te gêne pas… Tu travailles trop… Va te reposer… Marie-Rose fera la cuisine. »

Je pensais : Une fois dans vingt ans, ce n’est pas trop ; elle peut bien se reposer un peu.

Marie-Rose fit chauffer une cruche d’eau pour lui mettre sous les pieds, et nous soupâmes tranquillement comme à l’ordinaire, avec des pommes de terre et du lait caillé. Aucune inquiétude ne nous venait ; sur les neuf heures, après avoir fumé ma pipe près du fourneau, j’allais me coucher, quand arrivant près du lit, je vis ma femme blanche comme un linge, les yeux tout grands ouverts. Je lui dis :

« Hé ! Catherine ! »

Mais elle ne bougea pas. Je répétai « Catherine !  » en lui secouant le bras… Elle était déjà froide !

Cette femme courageuse s’était couchée en quelque sorte à la dernière minute ; elle avait perdu beaucoup de sang sans se plaindre. J’étais veuf… Ma pauvre Marie-Rose n’avait plus de mère !