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Le brigadier Frédéric.

vous embrasse. Méfiez-vous des Prussiens… ce sont des traîtres !… Ne vous hasardez pas… et que le Seigneur vous conduise ! »

Ils s’embrassèrent. Jean semblait attendri ; et la porte s’étant refermée, comme l’église sonnait huit heures et que les petites vitres étaient obscures, il dit :

« Marie-Rose, voici le moment… La lune se lève ; elle éclaire déjà le sentier par où je vais gagner le Donon. »

Ils s’embrassèrent longtemps, se tenant serrés dans le plus grand silence, car en bas on parlait, on criait encore ; des étrangers pouvaient nous épier, il fallait de la prudence.

Tu ne sais pas, Georges, et je souhaite que tu ne saches jamais ce qu’un père éprouve dans des instants pareils.

Enfin ils se séparèrent. Jean prit son bâton ; Marie-Rose, toute blanche, mais ferme, dit : « Adieu, Jean ! » Et lui, sans répondre, sortit brusquement, en respirant comme si quelque chose l’étouffait.

Je le suivis.

Nous descendîmes le petit escalier sombre, et