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D’UN JOUEUR DE CLARINETTE.

Elle regardait Yéri-Hans fixement, comme pour lui rappeler quelque chose. (Page 39.)

« Merci, mon oncle, lui dis-je fort triste, je vous crois sur parole ; montrez ces tours à Yéri-Hans lui-même, moi je n’y connais rien. Tout ce que je souhaite maintenant, c’est qu’il n’y ait pas de noyaux sur la place. »

Et disant cela, je sortis de la salle dans une désolation inexprimable.

« Attends donc, Kasper, attends donc ! » me criait l’oncle.

Mais je ne tournai seulement pas la tête ; j’aurais voulu tout voir au diable, Yéri-Hans, l’oncle, Margrédel et moi-même ; je songeais à me sauver en Amérique, en Algérie, n’importe où.

Le lendemain commencèrent les préparatifs de la fête ; on se mit à blanchir la grande salle, à récurer les tables, les bancs, à laveries fenêtres, à sabler le plancher. On aurait dit que Yéri-Hans était un prince, tant l’oncle Conrad s’inquiétait de le bien recevoir. Margrédel fit venir Catherina Vogel, la cuisinière du vieux curé Bockes, pour préparer ses küchlen, ses kougelhof, ses tartes à la crème et au fromage. La cuisine était en feu de six heures du matin à neuf heures du soir.

Et voyez la ruse des femmes : plus le moment approchait, plus Margrédel me faisait bonne mine, sans doute pour me tenir dans l’incertitude et m’empêcher de prévenir l’oncle de ce qui se passait.

« Hé ! Kasper, qu’as-tu donc d’être si triste ? me disait-elle ; Kasper, ris donc un peu. Al-