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chaque fois que des parents ou des amis les venaient visiter, elles les embrassassent.

On connaît à cet égard la loi de Mahomet et ses ordonnances sévères : c’est à ce genre d’abstinence que. Les musulmans furent redevables de leurs Conquêtes. Leur enthousiasme belliqueux disparut avec leur sobriété. Quels sont, en effet, les tristes résultats de l’intempérance ? A la suite d’une partie de débauche, Octave et Antoine s’abandonnent mutuellement les têtes de leurs ennemis ; Alexandre, dans l’ivresse, immole Clytus et court incendier Persépolîs ; le même conquérant expire en voulant vider la coupe d’Hercule.

Charles XII, Tiraqueau, célèbre jurisconsulte du onzième siècle, Balzac, émule et contemporain de Voiture, furent de véritables abstèmes.

ABSTRACTION. (Voyez Facultés intellectuelles.) En renvoyant cet article particulier à l’article général des facultés de l’âme auquel il appartient, nous devons cependant ici dire un mot sur la confusion trop ordinaire de l’abstraction et de la généralisation. L’une est nécessaire à l’autre, mais elle n’est pas l’autre. La première est une force qui sépare une idée d’une autre idée ou une idée en ses élément distincts ; la seconde, une faculté qui rattache plusieurs idées particulières semblables à une généralité commune. L’abstraction divise, la généralisation unit. Ce sont donc deux formes bien distinctes de l’activité de l’âme. Ph..

ABSTRACTION. (Philosophie, Idéologie.) Substantif du verbe abstraire ; ôter, séparer : exclusion qu’on donne à une ou à plusieurs idées pour s’occuper particulièrement d’une ou de plusieurs autres ; en philosophie, acte par lequel nous séparons dans un objet chacune de ses parties, qualités ou propriétés, et dans une pensée chacune des idées qu’elle renferme : dans le sens passif, ce mot au pluriel signifie les conceptions d’un esprit qui, au lieu de s’appuyer sur l’observation, ne travaille que sur ses idées.

Comme procédé de l’entendement, l’abstraction est élémentaire ou comparative. Élémentaire, si elle se borne à un seul objet physique ou moral ; comparative, lorsque, séparant de plusieurs idées totales ce qu’elles ont de semblable, elle fixe la conception commune et générale qui en est le produit sous un signe matériel. (Voyez Genre.) L’abstraction est le fondement de


la connaissance et de la science dans la doctrine des partisans de l’expérience ; dans celle des philosophes rationalistes, qui attribuent à l’entendement des notions primitives et congénérées, la science et la connaissance sont constituées par le concours de l’abstraction et des notions. (Voyez Notion.) L’on distingue l’abstraction des sens, par laquelle chacun d’eux perçoit dans un corps la qualité qui lui est analogue ; l’abstraction de la conscience, qui s’exerce sur le principe pensant, et l’abstraction de l’esprit, qui opère principalement par le langage. La première abstraction des sens est naturelle et spontanée ; elle précède la synthèse, qui nous donne la connaissance des corps. Mais l’abstraction ultérieure que nous opérons sur chacune de nos perceptions est due à l’observation, et c’est par elle que nous découvrons dans les qualités des corps les modifications qui sont l’objet des sciences physiques et des arts qui en dérivent. Telle est la distinction que nous découvrons entre les qualités premières et les qualités secondes, l’étendue tangible et l’étendue visible ; entre les diverses formes et les diverses couleurs ; entre la force, le timbre, le ton et les voix dans le son ; entre les directions et les inflexions du mouvement, etc. (Voyez Sensation.)

L’abstraction de la conscience succède à l’abstraction des sens. Elle nous donne les éléments des sciences morales et métaphysiques : par elle, le moi s’ébranche en sujet sensible, sujet actif et sujet pensant, qui toutefois ne peuvent se manifester dans la conscience l’un sans l’autre ; car si l’on excepte les impressions purement organiques et les idées qui semblent naître sans attention et spontanément, il n’est point de sentiment sans acte et sans idée, ni d’idée sans acte et sans sentiment. Voilà pourquoi, outre la faculté productrice des idées que nous divisons en sensation, mémoire, imagination, entendement, jugement, raison, nous trouvons dans toutes les langues des noms de sentiments distingués par la diversité des idées : l’amour de soi, l’amour-propre, la sympathie, la pitié, la bienveillance, l’amitié, l’amour du juste, du vrai, du beau ; et par la tendance que suppose l’amour vers l’objet aimé, les mots de besoins, de désirs, de penchants, de passions, avec leurs divers modes et leurs nuances.

L’esprit s’empare du domaine qui lui est fourni par les sens et par Ia conscience ; il