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grand nombre d’expériences de phyſique qui ont été faites depuis ſon époque, que nous donnions à cet article une certaine étendue. Nous renfermerons dans ſix questions principales tout ce qu’il y a de plus intéreſſant ſur cet objet ; nous traiterons, 1o. de l’hiſtoire de cette découverte qui a enrichi la phyſique d’un art nouveau, l’art aéroſtatique ; 2o. nous montrerons qu’avant MM. Montgolfier, perſonne n’en avoit eu l’idée, & qu’elle leur appartient inconteſtablement ; 3o. nous donnerons des détails ſuffiſans pour la conſtruction des aéroſtats ; 4o. nous ferons connoître les différentes eſpèces d’aéroſtats qui ont été imaginées ; 5o. nous parlerons de la direction des aéroſtats ; & des principaux moyens qui ont été propoſés ; 6o. enfin, des avantages des ballons aéroſtatiques.

I. Précis hiſtorique ſur les globes aéroſtatiques. L’hiſtoire des ſciences ne préſente aucune découverte qui ait fait plus de ſenſation dans les eſprits que celle des aéroſtats ou globes aéroſtatiques, qui préſente un moyen de voyager dans les airs. Meſſieurs Joſeph & Étienne Montgolſier, nés avec le goût des connoiſſances utiles, & doués d’un génie obſervateur, après avoir médité long-temps ſur l’aſcenſion des vapeurs dans l’atmoſphère, où elles ſe réuniſſent pour former des nuages, qui, malgré leurs maſſes & leur peſanteur, ſe ſoutiennent à de grandes hauteurs & flottent au gré des vents, conçurent l’idée hardie de former, à l’aide d’une vaſte enveloppe & d’une vapeur légère, une eſpèce de nuage factice que la ſeule peſanteur de l’air atmoſphérique forceroit de s’élever juſqu’à la région des orages ; l’idée ſeule de ce projet, dit avec raiſon le premier hiſtorien de cette découverte, ſuppoſe néceſſairement du génie, ſon exécution du courage, & une tête organiſée de manière à trouver des reſſources pour parer à la multitude d’obſtacles qui devoient environner une entrepriſe de cette eſpèce.

1o. Ces deux excellens phyſiciens imaginèrent, ſelon le rapport de l’un d’eux, M. Joſeph de Montgolfier, dans ſon diſcours à l’académie de Lyon, dans le mois d’octobre 1783, « de renfermer dans un vaiſſeau léger un fluide ſpécifiquement moins lourd que l’air atmoſphérique, afin de tirer parti de la rupture d’équilibre entre ces deux fluides, pour élever dans l’air des maſſes proportionnées au volume du vaiſſeau aſcendant : quelque ſimple que ce moyen paroiſſe au premier coup d’œil, comme on avoit juſqu’à ce jour négligé de l’éprouver, nous avons rencontré dans l’exécution beaucoup plus de difficultés que nous n’en attendions. De tous les fluides imperméables au verre, nous n’en connoiſſons aucun plus léger que le gaz inflammable purifié par la chaux & les alcalis cauſtiques. Nous nous hâtames donc d’en remplir de grands ſacs de papier & d’étoffe de ſoie, clos avec le plus d’exactitude qu’il nous fut poſſible ; ces ballons s’élevèrent bien, comme nous l’avons prévu, avec une rupture d’équilibre proportionnée à la différence de peſanteur des deux fluides ; mais cette force ne fut que momentanée, parce que le gaz ſe perdoit inſenſiblement, ſoit au travers du papier, ſoit par les petites ouvertures qui avoient pu échapper à notre attention ; ce gaz étoit remplacé par l’air atmoſphérique. Cet inconvénient nous néceſſitoit à employer des enveloppes plus ſolides & imperméables au gaz ; mais jugeant que de pareilles enveloppes ſeroient très-lourdes, & qu’il faudroit de plus conſtruire de grands ballons très-diſpendieux, ſoit par la quantité néceſſaire de gaz inflammable purifié, ſoit par le prix exceſſif des parois du vaiſſeau ; arrêtés encore par la difficulté de deſcendre, monter & ſe ſoutenir à volonté, dans les différentes régions de l’air atmoſphérique, nous renonçâmes à ce moyen. Il eſt vrai qu’il auroit laiſſé la liberté de deſcendre, en faiſant échapper une partie du gaz renfermé ; mais l’on n’auroit pu remonter qu’après être venu chercher à terre une nouvelle provision de ce gaz ; ce qui rendoit la choſe impraticable ».

Après avoir penſé à d’autres moyens, ils revinrent à leur première idée, à celle d’employer le feu. « L’expérience nous apprit qu’une chaleur de cinquante degrés au-deſſus de celle de l’atmoſphère, allégeoit le pied cube d’air du poids d’environ dix deniers ; & qu’en augmentant encore cette chaleur de trente degrés, on doubloit à-peu-près ce produit. D’après ces expériences nous fîmes conſtruire un globe de toile, doublé intérieurement de papier, de la contenue d’environ vingt-trois mille pieds cubes ; nous allumâmes du feu dans l’intérieur, il s’éleva avec une rupture d’équilibre de cinq à ſix quintaux ; ce qui nous fortifia dans l’idée que nous avions, que le gouvernement pourroit tirer quelque parti de ce moyen ; qu’on pourroit conſtruire de plus grands ballons, tels que de cent toises de diamètre, qu’on pourroit les employer au ravitaillement d’une ville aſſiégée, à remettre à flots des vaiſſeaux engloutis, peut-être même à faire des transports, & à coup ſûr pour faire en certains cas des obſervations de pluſieurs genres, reconnoître la poſition d’une armée, la route des vaiſſeaux qui voyagent, à vingt-cinq ou même trente lieues d’éloignement, &c ».

Pluſieurs eſſais particuliers ayant démontré aux meſſieurs Montgolſier que le ſuccès étoit conſtant, ils invitèrent, le jeudi 5 juin 1783, l’aſſemblée des états particuliers du Vivarais à aſſiſter à une expérience de la machine aéroſtatique qu’ils ſe propoſoient de faire en public, à Annonai, ville où ils ont établi une très-belle papeterie. Cette machine étoit conſtruite en toile doublée de papier, couſue ſur un réſeau de ficelle fixé aux toiles, ſelon la note qui a été communiquée par M. Étienne de Montgolfier. « Elle étoit à-peu-près