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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.


vices qu’ils ont rendus aux lettres, à l’histoire, à la géographie, & quelquefois même aux sciences, je n’ai pas dissimulé qu’ils n’avoient pas pris autant de soin de perfectionner leur goût, de cultiver leur raison, que de charger leur mémoire de mots, de faits, de citations ; &, pour me servir de l’expression énergique de Montaigne, de se couvrir des armes d’autrui, jusques à ne montrer pas seulement le bout de leurs doigts. Pour moi, en profitant des recherches des savans toutes les fois qu’elles pouvoient m’être utiles, je ne me suis traîné sur les traces de personne ; j’ai conservé toute la liberté de mon esprit, & j’ai pensé d’après moi.

Horace dit que, quoiqu’il se promène sous les mêmes portiques que[1] le peuple, il ne juge pas comme lui, & n’a pas les mêmes opinions ; il me semble que celui qui a consacré sa vie à la recherche de la vérité, qui croit fermement qu’elle est toujours utile, & que le mensonge seul est nuisible, doit se conduire par le même principe. J’ignore quel sera le sort de mon ouvrage, & s’il répondra par quelque côté à l’empressement que le public paroît témoigner d’en voir l’impression. Quelque soit le jugement qu’il en porte, j’oserai dire de son estime, ce que Pline le jeune disoit de celle de la postérité. Je ne sais pas si je dois compter sur elle, mais je suis sûr de m’en être rendu digne, non par mon mérite, ce que je ne pourrois dire sans orgueil, mais par mon ardeur, par mon travail, & par le prix que j’y ai toujours attaché. Posteris an aliqua cura nostri, nescio. Nos certè meremur ut sic aliqua, non dico ingenio, id enim superbum, sed studio, sed labore, sed reverencia posterum.


  1. Non, ut porticibus, sic judiciis fruar iisdem.