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tous ses ouvrages, & l’on peut assurer que s’il l’est réellement, son impiété se fera sentir partout.

Michel Piccart brilloit vers le temps de Nicolas Taurell ; il professa de bonne heure la logique, & s’y distingua beaucoup : il suivit le torrent & fut péripatéticien. On lui confia, après ses premiers essais, la chaire de méthaphysique & de poésie, cela paroît assez disparate, & je n’augure guère bien d’un temps où on donne une chaire pour la poésie à un péripatéticien : mais enfin il étoit peut-être le meilleur dans çe temps-là, & il n’y a rien à dire, lorsqu’on vaut mieux que tous ceux de son temps.

Je ne comprends pas comment dans un siècle où on payoit si bien les savants, Piccart fût si pauvre, car il lutta toute sa vie contre la pauvreté & il fit bien connoître par sa conduite que la philosophie de son coeur & de son esprit valoit mieux que celle qu’il dictoit dans les écoles.

Il fit un grand nombre d’ouvrages & tous fort estimés de son vivant. Nous avons de lui cinquante et une dissertations, où il fait connoître qu’il possédoit Aristote superieuremenr. Il fit aussi le manuel de la philosophie d’Aristote, qui eut beaucoup de cours ; la réputation de Piccart subsiste encore, & ce qui ne peut guère se dire des ouvrages de ce temps-là, on trouve à profiter dans les siens.

Corneille Martini naquit à Anvers, il y fit ses études, & avec tant de distinction, qu’on l’attira immédiatement à Amsterdam, pour y professer la philosophie. Il étoit subtil, capable d’embarasser, un homme d’esprit, & se tiroit aisément de tout en bon peripatéticien. Le duc de Brunswic jetta les yeux sur lui pour l’envoyer au colloque de Ratisbonne. Gretzer, qui étoit aussi député aà ce colloque pour le parti des protestans, trouva mauvais qu’on lui associât un professeur de philosophie, dans une dispute où on ne devoit agiter que des questions de théologie c’est ce qui lui fit dire lorsqu’il vit Martini dans l’assemblée, quid Saül inter prophetas ? A quoi Martini répondit, asinam patris sui. Dans la suite Martini fit bien connoître que Gretzer avoit eu tort de se plaindre d’un tel second.

Il fut très-zélé pour la philosophie d’Aristote ; il travailla toute sa vie à la défendre contre les assauts qu’on commencoit déjà à lui livrer. C’est ce qui lui fit prendre les armes contre les partisans de Ramus ; & on peut dire que ce n’est que par des efforts redoublés que le péripatétisme se soutint. Il étoit prêt à disputer contre tout le monde : jamais de sa vie il n’a refusé un cartel philosophique. Il mourut âgé de cinquante-quatre ans, un peu martyr du péripatétisme ; car il avoit altéré sa santé soit par le travail opiniâtre pour défendre son cher maître, soit par ses disputes de vive voix, qui infailliblement usèrent sa poitrine. Nous avons de lui l’analyse logique, & le commentaire logique contre les ramiites un système de philosophie morale & de méthaphysique. Je ne fais point ici mention de ses différens écrits sur la théologie, parce que je ne parle que de ce qui regarde la philosophie.

Hermannus Corringius est un des plus savans hommes que l’Allemagne ait produits. On pourroit le louer par plusieurs endroits mais je m’en tiendrai à ce qui regarde la philosophie il s’y distingua si fort, qu’on ne peut se dispenser d’en faire mention avec éloge dans cette histoire.

Le duc Ulric de Brunswic le fit professeur dans son université ; il vint dans un mauvais temps, les guerres désoloient toute l’Europe : ce fléau affligeoit toutes les différentes nations ; il est difficile avec de tels troubles de donner à l’étude le temps qui est nécessaire pour s’instruire. Il trouva pourtant le moyen de devenir un des plus savans hommes qui aient jamais paru.

Le plus grand éloge que j’en puisse faire, c’est de dire qu’il fut écrit par M. Colbert sur le catalogue des savans que Louis XIV récompensa. Ce prince lui témoigna par ses largesses, au fond de l’Allemagne, le cas qu’il faisoit de son mérite.

Il fut péripatéticien, & se plaignoit lui-même de ce que le respect qu’il avoit pour ce que ses maîtres lut avoient appris, alloit un peu trop loin. Ce n’est pas qu’il n’osât examiner les opinions d’Aristote : mais le préjugé se mettant toujours de la partie, ces sortes d’examens ne le conduisoient pas à de nouveiles découvertes. Il pensoit sur Aristote, & sur la façon dont il falloit l’étudier, comme Mélanchton.

Voici comme il parle des ouvrages d’Aristote :

« il manque beaucoup de choses dans la philo- » sophie morale d’Aristote que j’y desirerois ; par exemple tout ce qui regarde le droit naturel, & que je crois devoir être traité « dans la morale puisque c’est sur le droit na- « turel que toute la morale est appuyée. Sa mé- « thode me paroit mauvaise & ses argumens « faibles ».

Corringius s’éleva pourtant un peu trop contre Descartes il ne voyoit rien dans sa physique de raisonnable, & celle d’Aristote le satisfaisoit. Que ne peut pas le préjugé sur l’esprit ? il n’approuvoit Descartes qu’en ce qu’il rejettoit les formes substantielles. Les allemands ne pouvoient pas encore s’accoutumer aux nouvelles idées de Descartes ; ils ressembloient à des gens qui