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DISCOURS

nous devons tous les pas que nous avons faits depuis eux dans les sciences ; pour les voir, pour les distinguer dans les fragmens épars & souvent mutilés qui nous restent de leur philosophie ; pour être bien sûr qu’elles y sont, il faut avoir eu les mêmes pensées ; ce sont de ces découvertes qu’on ne peut se promettre qu’après les avoir faites ; il faut être arrivé au même but sans autre guide que son propre génie ; il faut qu’un certain esprit de divination fasse d’abord soupçonner la possibilité du fait, ou donne si l’on veut le systême, & que la méditation, l’expérience ou le calcul en donne ensuite la démonstration. En un mot, pour entendre, pour expliquer ce que les anciens ont dit si énigmatiquement, ou plutôt ce qu’on leur fait dire, il faut l’avoir inventé. C’est parce que les modernes ont fait ces découvertes, & parce qu’on vouloit leur en ravir la gloire qu’on les a trouvées dans les anciens ; mais les modernes ne les ont pas trouvées, parce que les anciens les ont faites.

Un des meilleurs historiens de l’académie, & qui, juge plus éclairé des anciens que M. Dutens, cherchoit dans les écrits de ces premiers scrutateurs de la nature, les moyens de multiplier, d’étendre ses connoissances, comme on se place sur un lieu élevé pour embrasser un plus grand nombre d’objets, n’a pas dissimulé les imperfections de leur physique générale & le peu d’utilité de leurs travaux dans la plupart des sciences qui exigent le concours de l’expérience & de l’observation. » Quelqu’habiles & ingénieux qu’ils pussent être d’ailleurs, dit-il, ils n’ont guère connu de la terre qu’une très-petite portion de sa surface, qu’ils regardoient aussi quelquefois comme une vaste plaine circulaire, sans trop s’embarrasser du solide qui en faisoit le fondement ; solide que quelques-uns de leurs philosophes comparoient à un cilindre, à un tambour, à un cône, à un palet concave, à une gondole. Il est vrai qu’ils s’apperçurent enfin par la convexité uniforme de la mer & par les éclipses de lune, que la terre devoit être sphérique ; mais tout ce qu’ils nous en ont dit de plus, dans le sens qu’on l’entend aujourd’hui, s’il est vrai qu’il s’en trouve chez eux quelque vestige, ne mérite aucune attention, & n’a pu être dit qu’au hasard. Ils n’avoient ni les observations, ni les instrumens nécessaires pour s’assurer du fait, ni les principes d’hydrostatique & des forces centrales qui auroient pu le faire soupçonner, & conduire à quelque conjecture plausible sur ce sujet. On en jugera par les finesses de théorie & de pratique qu’il a fallu y employer dans ces derniers tems ».

On vient d’entendre un physicien géomètre, très-instruit d’ailleurs de l’hitsoire & des progrès de ces sciences, nier formellement que les anciens aient eu quelque connoissance du principe & des loix des forces centrales dont la découverte est due au célèbre Huyghens. Cependant un savant astronome a prétendu trouver ce systême dans le Timée de Platon, dialogue souvent très-obscur, & qui ne contient guère que les rêveries de l’école de Pythagore, par-tout embellies & commentées par l’imagination