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Il s’y fit une nouvelle réforme l’année 1366, jar les cardinaux de faint Marc & de faint Martin, commiffaires d’Urbain V, pour rétablir en France la doctrine d’Aristote. Il fut ordonné par cette réforme, qu’on ne feroit plus de maîtres ès-arts qui n’euffent été examinés sur la Logique, la Métaphysique, la Physique, & les livres de l’ame d’Asillote. Le cardinal d’Etouteville fut député en 1466 par Charles VII, pour faire garder ces règle-mens, qui dans la fuite furent négligés : quoiqu’il en foit, il ordonna qu’on étudieroit Aristote plus foigneufement qu’on ne faifoit, pour relever l’eclat de runiverfité de Paris, qui commeneit à s’obscurcir par cette négligence.

En l’année 1447, le pape Nicolas V, qui fut le *ellaurateur des sciences dans l’Italie, commanda aux plus habiles gens de son temps, de faire une nouvelle traduction en latin des ouvrages d’Aristote, pour l’ufage des théologiens de l’églife romaine. Son fecretaire George le Trébifonde,’fçairant péripatéticien, y travailla fort, après s’être ligulé sous le nom de Théodore de Theffalonique avec Scholorius, dans les disputes qu’il eut Fur Platon & Arifbate, contre le cardinal Bessarion & Gémifle Pléthon.

Alphonse d’Arragon, beaucoup plus instruit que ne le sont les princes, ayant commencé à connoitre le mérite d’Aristote par le commerce des commentateurs maures & arabes, & sur-tout par la lecture d’Averroés, pria instamment le cardinal Bessarion de traduire la Métaphysique de ce philosophe, ce qu’il fit avec bien du succès. Le pape Jean XXII, qui canonisa S. Thomas & sa doctrine, rehauffa l’éclat de celle d’Aristote, de qui ce grand docteur de l’église avoit pris ses principes. Enfin sa réputation devint si universelle dans tout le monde, que sa philosophie commença à passer alors pour la règle & le modèle de toutes les philosophies.

Mais il se fit sur la fin du quatorzième siècle un grand rafinement de dialectique, par l’espèce de schisme qui s’éleva sur la doctrine d’Aristote entre les nominaux & les réalistes, & entre les thomistes & les scotistes, qui avoient entre eux de grandes contestations ; mais qui tous deux entreprirent les nominaux. Ces disputes partagèrent tellement la plus grande partie des universités de l’Europe, que ce caractère solide, qui distingue la philosophie d’Aristote, s’évapora un peu par ces subtilités : la plupart des esprits s’y livrèrent, & altérèrent même par la confusion de leurs idées & de leurs systêmes, la pureté de la doctrine de ce philosophe.

Le grand champ de bataille entre les disciples de saint Thomas & ceux de Scot, fut l’univocation de l’être ; & le sujet principal de la dispute des nomipaux contre les realistes, fut la distinction des for-

Philosophie anc. & mod. Tom. I.

malités, que ceux-là prétendoient n’être que purement intellectuelle, tandis que ceux-ci la vouloient réelle. Chacun prit parti dans ces seces, & dans les autres qui se formèrent peu après sur la doctrine d’Aristote, selon l’engagement d’intérêt, d’inclination ou de passion qu’il avoir, ou même selon l’habit qu’il portoit : ceux qui étoient libres, suivoient le goût le plus général du siècle dans lequel ils vivoient.

Mais il se fit alors un si grand débordement d’écrits sur la philosophie, que Patricius, philosophe vénitien, prétend, que l’on comptoit de son temps plus de douze mille volumes imprimés sur la seule philosophie d’Aristote, tant la passion d’écrire & de rafiner sur cette matière était devenue grande : cette passion parut principalement dans la haine & l’animosité qui éclatèrent entre les disciples de saint Thomas & ceux de Scot, & entre les sectateurs de Biel, d’Occam, & de George d’Arimini.

On porta toutefois si loin cette animosité, par une liberté de tout permettre à son imagination, qu’à force de subtiliser, la doctrine d’Aristote se trouva confondue dans tous ces partis. Le tumulte qui s’éleva dans toutes les écoles, qui retentissoient de son nom, ne servit qu’à étouffer sa voir d’une manière à n’être presque plus distinguée. En effet, on le déguisa si fort par ces entités modales, ces distinctions de lieu interne & externe, cette prédétermination physique, ces précisions, ces intentions réflexes, cette univocation de l’être, ces parties entitatives, cette éduction des formes matérielles, & tout ce galimathias inintelligible de la philosophie scholastique, que la vraie doctrine de ce philosophe n’étoit plus reconnoissable. Il est vrai que l’oisiveté du siècle, le mauvais goût qui y régnoit par l’ignorance des bonnes lettres, & la manie de raisonner sur tout, donnèrent un si grand cours à ces vaines subtilités, que la philosophie perdit un peu par-là de son crédit & de sa réputation. Car on cherchait moins la vérité par ces subtilités que le plaisir de faire briller son esprit en inventant de nouvelles difficultés : & comme rien ne gâta davantage la philosophie ancienne que les fausses subtilités de Chrysippus, qu’il fallait entrer dans toutes les questions, rien n’a aussi fort corrompu la véritable philosophie, que le rafinement de quelques modernes sur certaines matières devenues célèbres dans l’école par leur nouveauté. Ainsi la passion déréglée qu’on eut alors pour Aristote, que chacun tiroit de son côté pour l’avoir de son parti, lui fit plus d’ennemis que de défenseurs.

Des restaurateurs de la Philosophie d’Aristote.

Jamais on n’a tant cultivé la philosophie que sous les empereurs romains : on la voyoit sur le

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