Page:Encyclopédie méthodique - Philosophie - T1, p1, A-B.djvu/252

Cette page n’a pas encore été corrigée

220 ARI ARI

La persécution de Domitien contre les philosophes, jointe au mépris qu’on avoit à Rome pour la Philosophie, décrédita fort cette étude dans tout l’empire. Mais son crédit commença à se rétablir sous Adrien, & parmi les savans qui eurent de la réputation à la cour, dont Favorin qui étoit péripatéticien, fut un des plus considérables.

Taurus de Béryte qui composa un discours sur la différence de la Philosophie de Platon, d’avec celle d’Aristote, se signala dans la cour de Commode & Sosigènes, Hermippus, Alexandre d’Aphrodisée, furent les premiers professeurs de la Phiiosophie péripatéticienne établis à Rome par les empereurs Marc-Aurèle & Lutius Vérus : comme Alexandre le témoigne lui-même dans ses commentaires. Ce savant homme fut celui qui ouvrit la carrière à cette foule de commentateurs d’Aristote qui le suivirent, & ce fut le plus habile & le plus éclairé de tous.

Galien, médecin de l’empereur Marc-Antonin, l’esprit le plus galant, le plus délicat, & l’homme le plus savant de la cour, s’attacha fort à la doctrine d’Aristote & il fit des commentaires pleins d’érudition sur les ouvrages de ce philosophe. Alexandre de Damas enseignoit alors à Athènes la doctrine d’Aristote, & Ammonius Saccas, l’enseignoit dans Alexandrie. La réputation de cet Ammoniusvfut grande, à causevdu génievextraordinaire qu’il avoit pour les sciences & comme il s’étoit rempli l’esprit de la doctrine de Platon & de celle d’Aristote qu’il avoit jointes ensemble, il fut le premier qui donna cours à cette Philosophie mêlée de l’un & de l’autre, que les savans embrassèrent depuis, comme fit Plotin, Porphyre, Syrien d’Alexandrie, son disciple Proclus, que Simplicius appelle le maître de ses maîtres, & comme firent ensuite quantité d’autres.

Ce temps-là, qui fut si fertile en grands personnages, commença à faire connoitre la profondeur du génie d’Aristote. Tous les sçavans s’appliquèrent à étudiet sa doctrine, & à l’expliquer par leurs commentaires, comme Aphrodisée sous Antonin, Aspasius sous Commode ; Syranus sous Gordien Porphire sous Galien & sous Aurélien. Proclus sous Julien ; le second Ammonius son disciple, qui a si bien écrit sur le livre de l’interprétation d’Aristote, sous Valentinien ; Dydime qui fut maître de S. Jérôme sous Gratien ; Thémistius sous Jovinien & Valens ; St. Augustin sous Honorius ; Olympiodore sous le jeune Théodose ; Simplicius & Philoponus sous Justin & sous Justinien ; Boëce sous l’empereur Anastase & sous le roi Théodoric. Je ne parle point d’Asclépius, de Priscien, de Dexippus, de Damascius, & d’une infinité d’autres.

Tous ces grands hommes qui furent les plus savans de ces siècles-là, contribuèrent par leurs ouvrages à répandre la doctrine d’Aristote qui faisoit d’autant plus de progrès, qu’on la connoissoit mieux.

La rigueur dont l’empereur Caracalla usa envers les sectateurs de ce philosophe ne fut pas fort préjudiciable à cette secte, par l’opinion qu’on eut de l’esprit de cet empereur, qui s’étoit rendu méprisable par ses extravagances : car il fit mourir fort injustement Papinien le plus grand homme de l’empire, & il persécuta avec beaucoup de férocité les gens de bien & les sçavans.

Les chrétiens des trois premiers siècles ne furent pas si favorables à Aristote qu’ils le furent à Platon : mais dans la suite la réputation d’Aristote s’augmenta d’autant plus qu’on s’apptiqua à l’étudier, celle de Platon au contraire diminua à mesure qu’on l’examina. A la vérité les premiers pères se défièrent d’abord d’Aristote, comme d’un philosophe qui donnoit trop au raisonnement & au sens : ils jugèrent sa doctrine peu propre au Christianisme, qui demande une soumission parfaite de la raison, que ce philosophe consultoit trop. On le crut trop naturel, trop politique, trop rafiné, enfin trop philosophe : ainsi on ne le souffroit pas même dans les bibliothèques. Tertullien le fit passer pour un misérable sophiste (1), de qui tous les ennemis de la foi prenoient des armes pour la combattre & pour défendre l’erreur : & il prétend que c’étoit contre sa doctrine que l’apôtre dans l’épitre aux colossiens, avertit les fidèles de prendre des précautions parce qu’elle étoit dangereuse.

On s’aperçut même de ce danger par l’exemple des théodotiens sous l’empereur Sévère, qui se servoient de la méthode & des raisonnemens d’Aristote, pour appuyer leur erreur.

Les carpocratiens furent condamnés pour avoir mis l’image de ce philosophe avec celle de Jésus- Chrit, & pour l’avoir adorée par une extravagance de zèle pour sa doctrine. Les aétiens furent excommuniés par l’église, & par les ariens même, dont ils étoient sortis, parce qu’ils donnoient à leurs disciples les catégories d’Aristote pour catéchisme. Les antinomiens se portèrent jus-

(l) Tertul. l. de praescript.

Videte ne quis vos circumveniat per Philosophiam, Ad Coloss.