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la formation & la conservation des êtres, vous avez le naturalisme de Straton.

Straton croyoit, de même que Zénon, que le monde avoit commencé, & par conééquent, que toutes les eépèces étoient nées avec le monde. Comment expliquoit-il cette nuance ? Comme Zénon, par les efforts divers des principes cornposans, qui, se mouvant par eux-mèmes, & chacun à leur manière, devoient avoir produit des rencontres, & par ces rencontres des combinaisons de toutes espèces. Celles de ces combinaisons qui se trouvèrent régulières, c’est-à-dire, aussi bien ordonnées à une fin, que si elles y avoient été dirigées par une intelligence, sont reliées dans la nature, & y ont fondé des espèces. Celles au contraire qui ne se sont pas trouvées complettement ordonnées, n’ont point eu de durée, & ont péri avec l’individu imparfait ou imcomplet que le hasard des rencontres avoit formé sans lui avoir donné les accessoires ou dépendances nécessaires pour conserver son espèce

Par exemple, si l’espèce humaine est restée, c’est parce que les combinaisons fortuites des principes ont formé, non un, mais deux individus humains, organisés de manière à pouvoir en produire deux autres semblables à eux ; & que dans ces deux individus, placés heureusement a portée l’un de l’autre, il s’est trouvé un instinct et un penchant qui les ont invités à s’unir, pour conserver sans l’avoir prévu, l’espèce dont ils étoient les modèles originaux & les seuls dépositaires.-

C’est, je crois, le vrai sens du passage de Plutarque, que je crains de ne pas entendre, parce quon l’a trouvé obscur, & qu’il me semble clair. Le voici.

Straton a dit que le monde lui-même n’est point un être animé ; (qu’il n’y a point dans le monde d’ame universelle) & que les espèces selon nature suivent les rencontres du hasard, parce que c’est la spontaneité des mouvemens qui commencent, & qu’ensuite les formes & les qualités naturelles (qui constituent ce qu’on appelle une nature) s’achèvent &s s’établissent (1) ».

(1) Lorsque le hasard a arrangé une composition aussi régulièrement que s’il se fût proposé une fin, la composition a été conservée ; ce qui s’est trouvé composé irrégulièrement a péri : c’est ainsi, dit Empedocle, qu’a péri le Bovigene & l’Androprore. Arist. Physic. 2. 8. text. 3.

(2) Adv. Colot 1125. B. Voy. la note de Mosheim sur Cudverth. pag, 101. où le passage de Plutarque est traduit ainsi en latin : Mundum ipsum non esse animal dicit, naturalia vero sequi fortuita. Initium au-

C’est le feul texte de l’antiquité où l’on trouve exactement articulés les principes de Straton.

D’après ce texte, on peut se représenter le cahos de Straton, comme un amas immense de parcelles de toutes espèces, de toutes figures, qui s’agitant par des secousses & des vibrations convulsives, forment toutes sortes d’angles, à-peu-près comme ces points animés qu’on observe avec le microscope dans les infusions des plantes. Or ces vibrations occasionnoient des rencontres, ces rencontres des formes ; & par-tout où il y a forme, il y a au moins commencement de nature.

Straton admettoit donc une espèce de vitalité dans la matière principe, un effort qui ressembloit à une sorte d’amour, de desir vague, d’inquiétude sourde, par laquelle un çorpuscule cherchoit à s’unir à un autre corpuscule, soit semblable, soit différent, dont il pouvoit résulter des formes différentes, & par ces formes, des natures, & ensuite des mouvemens & des effets différens. C’étoit en quoi il différoit essentiellement des atomistes (1).

Cette qualité fondamentale accordée à la matière, Straton pouvoit bien faire quelques pas dans les. explications des effets physiques. Mais si on la lui refusoit, comment la prouver ? En disant, comme quelques uns de nos modernes, qu’on voit partout les indications d’une force végétante, qui tend à produire au dehors, à organiser, à multiplier. Cette force existe, il est vrai ; mais tirer de-là une preuve de l’état primordial des causes, & prétendre que cette activité est attachée essentiellement, & de toute étèrnité à la matière, c’eût été de la question même faire sa preuve.

Il auroit eu aussi peu de chose à répondre, si on lui eût demandé pourquoi, de toutes ces particules, il ne s’étoit pas formé une seule masse, dans laquelle elles auroient trouvé leur repos, ou dont il auroit résulté un seul mouvement général, composé de toutes les forces mouvantes particulières. Car il n’y a point de raison dans son systême, pour former un nombre infini de concrétions différentes, plutôt qu’une seule.

On auroit pu lui demander encore comment les lois qui tendent à l’organisation spécifique &

tem indere automaton, seu spontaneam quandam naturae vim, tum vero ita continuare affectiones rerum naturalium singulas.

(1) Nec ut ille (Epicurus) qui asperis & laevibus, & hamatis, uncinatisque corporibus concreta haec esse dicat, interjeclo mani. Lucul. 38.

à