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bloit expliquer tous les phénomènes physiques & moraux. Platon avoit paru applaudir a cette pensée Tout se réduisoit à concevoir, assez grossièrement à la vérité, Dieu pur éther, à la circonférence du monde ; & la terre pure matière au centre ; & de la circonférence au centre, un mélange des deux substances & de leurs qualités. Aristote ne pouvant se passer de ces deux principes, tâche de les déguiser ; mais c’est toujours à-peu-près la même échelle : des natures mêlées de bien & de mal, au-dessous de la lune, des natures plus parfaites & plus sages au-dessus ; & au-dessus encore, la divinité, donnant par nature, au moins aux êtres intelligens, les modèles & les desseins de leur conduite. Timée & Platon restant en-deçà de certains détails, pouvoient croire & laisser croire que Dieu étoit réellement cause ; qu’il vovoit, qu’il agissoit : la providence conservoit ses droits. Aristote au contraire, voulant pénétrer jusqu’au fond des causes, se perd lui-même dans ses principes, & nous laisse voir le monde fait, conservé, gouverné par un certain accord de nature, qui rend tout indépendant de Dieu, pour être, pour se mouvoir, & pour agir.

En général, la difficulté insoluble pour tous les philosophes, étoit de placer le principe du mouvement. Dans une intelligence pure, comment agira-t-elle sur les corps ? Dans la matière ? Celle-ci paraît indifférente au mouvement & au repos ; ils imaginèrent un milieu, qui fut d’attacher à une matière infiniment déliée tous les attributs de l’esprit, mais cette idée, employée & retournée de mille manières, pendant quarante siècles, & toujours pleine de contradictions & d’embarras, a ramené enfin la philosophie aux deux substances, esprit & corps, constatées par leurs effets, quoiqu’incompréhensibles en elles-mêmes & dans leur manière d’agir l’une sur l’autre. On s’est enfin souvenu qu’on pouvait être encore philosophe, en s’arrêtant où le jour s’éteint, & qu’on cesse de l’être en voulant s’avancer au-delà.

Réflexions générales sur la philosophie d’Aristote.

Voici de nouveaux dogmes : nous avons vu que la matière qui compose tous les corps est foncièrement la même selon Aristote & qu’elle ne doit toutes les formes qu’elle prend successivement, qu’à la différente combinaison de ses parties. Il s’est contenté d’en tirer quatre élémens, le feu, l’air, l’eau & la terre, quoiqu’il lui fût libre d’en tirer bien davantage. Il cru apparemment qu’ils suffisoient pour former ce que nous voyons.

La beauté des cieux lui fit pourtant soupçonner qu’ils pouvoient bien être composés de quelque chose de plus beau. Il en forma une quintessence pour en construire les cieux c’est de tout temps que les philosophes sont en posittion de croire que quand ils ont inventé un nouveau mot, ils ont découvert une nouvelle chose, & que ce qu’ils arrangent nettement dans leur pensée, doit tout de suite se trouver tel dans la nature mais, ni l’autorité d’Aristote & des autres philosophes, ni la netteté de leurs idées, ni la prétendue évidence de leurs raisonnemens, ne nous garantissent rien de réel. La nature peut être toute différente.

Quoi qu’il en soit de cette réflexion, Aristote croyoit qu’il n’y avoit dans cet univers que cinq espèces de corps : les premiers qui sont la matière qui forme tous les corps célestes, se meuvent circulairement ; & les quatre autres dont sont composés tous les corps sublunaires, ont un mouvement en ligne droite. La cinquième essence n’a ni légéreté, ni pesanteur ; elle est incorruptible & éternelle, elle suit toujours un mouvement égal & uniforme ; au lieu que des quatre éléments, les deux premiers sont pesans, & les deux autres légers ; descendent en bas, & sont poussés vers le centre ; les deux autres tendent en-haut, & vont se ranger à la circonférence. Quoique leurs places soient aussi précises & marquées de droit, ils peuvent cependant en changer, & en changent effectivement, ce qui vient de l’extrême facilité qu’ils ont de se transformer les uns dans les autres & de se communiquer leurs mouvemens.

Cela supposé, Aristote assure que tout l’univers n’est point également gouverné par Dieu, quoiqu’il soit la cause générale de tout. Les corps célestes, ce qui est composé de la cinquième essence, méritent ses soins & son attention : mais il ne se mêle point de ce qui est au-dessous de la lune, de ce qui a rapport aux quatre élémens. Toute la terre échappe à la providence. Aristote, dit Diogène Laërce, croyait que la puissance divine régloit les choses célestes & que celles de la terre se gouvernoient par une espèce de sympathie avec le ciel.

En suivant le même raisonnement, on prouve, d’après Aristote, que l’âme est mortelle. En effet, Dieu n’étant point témoin de sa conduite, ne peut ni la punir ni la récompenser ; s’il le faisoit, ce seroit par caprice & sans aucune connoissance. D’ailleurs, Dieu ne veut point se mêler des actions des hommes : s’il s’en mêloit il les prévoiroit ; l’homme ne seroit point libre : si l’homme n’étoit point libre, tout seroit bien arrangé sur la terre. Or tout ce qui se fait ici-bas, est plein de changemens & de variations de désastres & de maux ; donc l’homme se dé-

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