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Le cinquième, le sixième & le septième livres sont destinés à expliquer de quelle manière l’animal nait ; le temps oû il commence à se reproduire, celui où il cesse de le pouvoir faire, & la durée totale de sa vie. On connoît par la lecture des sept premiers livres, comment le corps de l’animal existe, & comment il se multiplie ; les deux derniers apprennent comment l’animal vit & comment il se conserve : l’objet du huitième est sa nourriture, & les lieux qu’il habite ; le neuvième traite de ses mœurs, s’il est possible d’user de cette exprestion ; Aristote y dit quelles sont les habitudes des différens animaux ; avec qui d’entr’eux ils vivent réciproquement soit en fociété soit en guerre : comment ils pourvoient à leur conservation & à leur défense. Une pareille histoire n’est-elle pas infiniment préférable à de sèches nomenclatures quelque bien rangées qu’on les suppose, par ordres, classes & genres.

L’étendue du génie d’Aristote se montre par la généralité de ses vues ; celle de ses connoissances, par la multiplicité des exemples qu’il rapporte successivement. L’histoire de l’homme, considéré simplement comme animal, est complette dans son ouvrage ; & dans le nombre des animaux de l’ancien monde, il n’en est presque aucun depuis le cétacée jusqu’à l’insecte, soit qu’il se meuve sur la terre, qu’il s’élève dans les airs, ou qu’il demeure enseveli sous les eaux, dont Aristote ne nous apprenne quelque particularité : tout ce que nos yeux peuvent découvrir lui semble connu : & l’élephant qu’il a disséqué, & cet animal imperceptible qu’on voit à peine naître dans la pourriture & la poussière.

Le style de l’histoire des animaux est aussi abondant que les choses ; il est pur, coulant, & son plus grand ornement est la propriété des expressions & la clarté.

Oublions pour un moment des découvertes qui ne datent que du dix-septième & du dix-huitième siècle ; & voyons comment à une époque éloignée de 21 siècles, Aristote a pu composer des ouvrages qui méritent encore l’attention des naturalistes modernes. Il eut d’abord le secours d’une bibliothèque qu’il s’étoit formée ; mais il falloir des secours d’un autre genre, & l’on peut dire que si Alexandre n’eût point été, l’histoire naturelle d’Aristote n’existeroit pas. Ce furent les dépenses vraiment royales de ce prince qui le mirent en état d’écrire sur l’histoire naturelle. Alexandre ne pouvoit pas avoir des vues bornées. Il voulut qu’Aristote écrivît sur la nature des animaux, &, au rapport de Pline (1), il lui fournit quelques milliers d’hom-

(1) Alexandro magno rege inflammato cupidine animalium naturas noscendi, delegataque hac commen-

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mes, qui étoient à ses ordres, pour parcourir l’Asie & la Grèce, prendre des animaux de toute espèce, les observer,, les élever, de manière que rien de ce qui les concernoit ne lui demeurât inconnu. Selon Athénée les sommes qu’Alexandre donna à Aristote pour remplir son projet, montèrent à 500 talens, c’est-à-dire, à peu-près à trois millions de notre monnoie, valeur actuelle.

Tel est le jugement que le savant traducteur de l’histoire des animaux d’Aristote porte de ce bel ouvrage. M. de Buffon qui l’a examiné en naturaliste, en donne encore une plus grande idée, & il entre même à cet égard dans des détails très-propres à faire sentir tout le mérite de ce monument si précieux de la science des anciens & de leurs connoissances particulières en histoire naturelle.

L’histoire des animaux d’Aristote, dit cet écrivain éloquent, est peut-être éncore aujourd’hui ce que nous avons de mieux fait en ce genre ; & il seroit à désirer qu’il nous eût laissé quelque chose d’aussi complet sur les végétaux & sur les minéraux : mais les deux livres des plantes que quelques-uns lui attribuent, ne ressemblens point à cet ouvrage, & ne sont pas en effet de lui. (Voyez le comment. DE SCALIGER). Il est vrai que la Botanique n’étoit pas fort en honneur de son temps : les grecs & les romains même ne la regardoient pas comme une science, qui dût exister par elle-même, & qui dût faire un objet à part ; ils ne la considéroient que relativement à l’Agriculture, au Jardinage, à la Médecine & aux Arts. Et quoique Théophraste, disciple d’Aristote, connût plus de cinq cens genres de plantes, & que Pline en cite plus de mille, ils n’en parlent que pour nous en apprendre la culture ; ou pour nous dire que les unes entrent dans la composition des drogues ; que les autres sont d’usage poour les Arts ; que d’autres servent à orner nos jardins, &c. En un mot, ils ne les considèrent que par l’utilité qu’on en peut tirer, & ils ne se sont pas attachés à les décrire exactement.

L’histoire des animaux leur étoit mieux connue que celle des plantes. Alexandre donna des ordres & fit des dépenses très-considérables pour rassembler des animaux, & en faire venir de tous

tatione Aristoteli summo in omni doctrina viro, aliquot millia hominum in totius Asiae Graeciaeque tractu parere justa, omnium quos venatus, aucupia, piscatusque alebant, quibusque vivaria, armata alvearia, piscinae, aviaria in cura erant, ne quid usquam gentium ignoraretur ab eo : quos percuntando quinquaginta fermè volumina, illa praeclara de animalibus condidit. Plin. Nat. hist. l. 8. chap. 16.