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Aristote l’avoue lui-même, comme je l’ai remarqué, sur la fin de ses livres de sa dialectique ; & Cicéron le déclare assez ouvertement dans le livre de ses topiques.

Ainsi la différence qu’il y a entre la logique de Platon & celle d’Aristote, est que celle de Platon est répandue dans ses ouvrages, sans ordre, dessein, sans principes, & presque sans méthode : & que celle d’Aristote est renfermée dans ses livres de dialectique, où elle est établie solidement dans toutes ses parties : & Gassendy ne l’auroit pas peut-être trouvée imparfaite, par le supplément de Porphyre, qu’il a cru nécessaire pour y servir d’introduction, s’il eût fait réflexion que ce traité qui a été mis à la tête de la logique d’Aristote, est pris de sa métaphysique, d’où Porphyre l’a tiré : & il y a apparence que ce supplément eût été inutile, s’il ne se fût rien perdu des livres de la logique d’Aristote, dont Diogène Laërce fait mention.

Je sai que Gassendi s’étoit proposé de ruiner en particulier la dialectique d’Aristote comme on le voit par ses exercitationes paradoxica aversus aristoteleos : il se préparoit à critiquer de la même force, la physique, la métaphysique & la morale, lorsqu’ayant appris l’indignation formidable du parti péripatéticien contre lui, il aima mieux abandonner son ouvrage, que de s’exposer à de fâcheuses persécutions.

Mais quoi qu’il en soit des objections de Gassendi contre la philosophie d’Aristote en général, il restera toujours pour constant que le disciple de Platon est un des plus beaux génies qui aient illustré la Gréce. N’est-ce pas en effet une chose admirable, que par les différentes combinaisons qu’il a faites de toutes les formes que l’esprit peut prendre en raisonnant, il l’ait tellement enchaîné par les règles qu’il lui a tracées, qu’il ne puisse s’en écarter sans raisonner inconséquemment,

Ne dissimulons pas neanmoins que, quoiqu’il se trouve dans la logique & dans la physique d’Aristote beaucoup de choses qui marquent l’élévation & la profondeur de son génie ; quoiqu’on puisse louer avec juste raison son traité du syllogisme, sa méthode, quoi qu’approuvée de tous les philosophes n’est pas exempte de défauts.

1°. Il s’étend trop, & par-là il rebute : on pourroit réduire à peu de pages, tout ton livre des catégories, & celui de l’interprétation ; le sens y est noyé dans une trop grande abondance de paroles.

dialect. ammon. in Arist. vita : Philop. c. 21. in analyt. Alex. Aphrod. Simpl. Averroës Théod. Logos.

2°. Il est obscur & embarrassé ; il veut qu’on le devine, & que son lecteur produise avec lui ses pensées. Quelqu’habile que l’on soit, on ne peut guère se flatter de l’avoir totalement entendu : témoin ses analytiques, où tout l’art du syllogisme est enseigné : de sorte que si dans la critique que Gassendi a faite de la logique d’Aristote, il a passé la limite, on ne peut nier qu’il n’y ait aussi de l’exagération dans les louanges que plusieurs auteurs ont données à ce traité, le plus faible de ses ouvrages, au jugement de Bayle, c’est-à-dire, de plus habile dialecticien qu’il y ait jamais eu.

De la physique d’Aristote.

Parlons présentement de la physique d’Aristote ; & sans entrer ici dans des détails qu’on trouvera à l’article philosophie péripatéticienne, faisons connoître l’objet, & pour ainsi dire, le but général de ce traité, dont on a parlé dans tous les tems si diverfement, & que, selon nous, on a jugé, soit en bien, soit en mal, avec beancoup d’exagération. Nous prendrons pour guide dans l’examen que nous en allons faire, le célèbre Louis Vivès, qui a disposé dans l’ordre le plus méthodique, les différens ouvrages où elle est répandue.

Il commence d’abord par les huit livres des principes naturels qui paroissent plutôt une compilation de différens mémoires, qu’un ouvrage arrangé sur un même plan. Ces huit livres traitent en genéral, du corps étendu, ce qui fait l’objet de la physique, & en particulier des principes, & de tout ce qui est lié à ces principes, comme le mouvement, le lieu, le tems, &c. Rien n’est plus embrouillé que tout ce long détail ; les définitions rendent moins intelligibles des choses, qui par elles-mêmes auroient paru plus claires, plus évidentes. Aristote blâme d’abord les philosophes qui l’avoient précédé, & cela d’une manière assez dure, les uns d’avoir admis trop de principes, les autres de n’en avoir admis qu’un seul : pour lui il en établit trois, qui sont, la matière, la forme, la privation. La matière est, selon lui, le sujet général sur lequel la nature travaille ; sujet éternel en même-tems, & qui ne cessera jamais d’exister : c’est la mère de toutes les choses qui soupire après le mouvement, & qui souhaite avec ardeur que la forme vienne s’unir à elle. On ne sait pas trop ce qu’Aristote a entendu par cette matière première qu’il définit, ce qui n’est, ni qui, ni combien grand, ni quel, ni rien de ce par quoi l’être est déterminé. N’a-t-il parlé ainsi de la matière, que parce qu’il était accoutumé à mettre un certain ordre dans ses pensées, & qu’il commençoit par envisager les choses d’une vue générale, avant que de descendre au particulier ? S’il n’a voulu dire que cela, c’est-a-dire, si dans son esprit la matière première