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Il y a de la faiblesse à trop aimer le plaisir, comme il y en a à trop craindre la douleur. La tempérance modère ces deux faiblesses, & devient une vertu par le tempérament de l’une & de l’autre.

Cela étant établi il examine la nature de l’action, qui porte l’homme à la vertu qui est une opération libre de la volonté, qui se détermine au choix qu’elle fait du bien. Ce qui lui donne lieu d’expliquer au long ce que c’est que la volonté, par le détail de son action libre ou contrainte volontaire ou non volontaire ; cet endroit est un des plus beaux de la morale d’Aristote parce qu’il y explique tout ce qui regarde la liberté & toute l’économie des actions humaines d’où il passe à la force & à la tempérance. Il expose la nature & les effets de ces deux vertus, & à l’occasion de la tempérance, il suit toutes ces vertus qui en sont des dépendances, & qui ont les biens & les honneurs pour objet.

Il dit, que la vertu qui regarde l’usage des grandes richesses est la magnificence : celle qui ne regarde que l’usage des médiocres est la libéralité : la vertu qui regarde les honneurs ordinaires, est le désir de la gloire ; celle qui regarde les honneurs extraordinaires, est la magnaninnté. Et comme la tempérance règle toutes les vertus qui regardent la société, il les expose l’une après l’autre.

La première qui s’occupe à ôter les obstacles du commerce de la vie civile en réprimant les rudesses & les aigreurs, est la douceur & l’affabilité ; les autres vertus dépendantes de la tempérance, qui contribuent à rendre ce commerce de la société sûr & agréable sont la candeur ou la sincérité qui règle les pensées, l’affabilité qui règle les paroles, & la civilité qui règle les actions.

Ainsi après avoir établi dans la première partie de sa morale, l’essence de la vertu privée, il établit dans la seconde la vertu civile.

Il commence par la justice dont il explique la nature & distingue les espèces : il conclud le discours qu’il en fait par l’explication du droit naturel, qui est commun aux hommes & aux animaux, & du droit des gens qui n’est commun qu’aux hommes, parce qu’il fait de l’un & de l’autre les principes fondamentaux de la justice. De-là, il descend aux vertus de l’entendement, & puis à celles de la volonté : parmi les vertus de l’entendement, il compte la prudence pour la plus considérable parce que c’est elle seule qui fait la droite raison, sans laquelle il n’y a point de vertu.

L’usage de la prudence dans la vie civile, est la politique, comme celui de la prudence dans la

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vie privée est l’économie : & l’objet général de cette vertu est ce qu’il faut faire & ce qu’il ne faut pas faire, dans les circonstances qui se présentent.

Il descend jusques à l’explication des dispositions, & des obstacles à la vertu ; il dit que la mollesse & l’impatience sont les obstacles à la vertu, comme la patience & la modération en sont les dispositions & il ajoute que la douleur & le plaisir sont la matière ordinaire de ces habitudes, car il réduit tout au plaisir & à la douleur qui sont les ressorts les plus ordinaires des mouvemens de l’âme, & le principe le plus universel des passions.

Il conclut cette partie qui regarde la société, & que Cicéron a si bien expliquée dans le livre de ses offices par un beau traité de l’amitié : il en explique la nature, les différences, l’usage dans la bonne & dans la mauvaise fortune, & sa nécessité dans l’action la plus ordinaire à l’homme qui est la conversation : il remarque la conduite qu’il faut tenir dans l’amitié pour la cultiver, & il propose diverses questions sur l’amitié, dont il donne la solution.

Enfin, il achève sa morale par la béatitude, qui en est le principe & la fin, & il décrit la nature du véritable plaisir, pour donner une idée de la félicité & quoiqu’il avoue que la vertu est le seul moyen de l’acquérir, il prétend que la prospérité & les richesses y peuvent contribuer & après avoir montré que la souveraine béatitude consiste dans l’action, il conclud qu’il y a une béatitude pratique qui est celle de l’homme, & une puremeat contemplative qui est celle des dieux.

Dans les deux livres des grandes morales, il traite des moyens d’acquérir la vertu par les biens, qu’il regarde comme les instrumens du bonheur : il les distingue, en trois sortes, ceux du corps, ceux de la fortune, ceux de l’esprit ; il considère ensuite les habitudes de l’âme, les principes de ses opérations : & repassant sur ce qu’il a dit dans ses dix Livres, il trace les caractères de la probité, de l’adversité & de la prospérité.

Enfin, dans ses sept Livres à Eudeme qui étoit son ami & qui avoit été son disciple, il propose trois sortes de vie, une vie d’occupation, une vie de plaisir & une vie de repos & de méditation ; il préfère la vie d’occupation & des affaires aux deux autres, il décrit les vertus necessaires à cette vie occupée & il fait un éloge de la vertu en général, qu’il appelle comme Platon, l’harmonie de l’âme par le règlement des passions, & il dit quelque chose des vices contraires à la vertu.

Pour completter la morale, il traite dans ces li-