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DISCOURS

ces réflexions remarquables par la sagacité & l’étendue d’esprit qu’elles supposent, qu’on ehercheroit en vain dans Brucker & dans Stanley ; c’est par elles, & par ce style vif, énergique & rapide dont ces réflexions sont écrites, que Diderot a fait disparoître la monotonie, la sécheresse des extraits qu’il employoit, & que dans cet exposé des opinions des anciens, l’attention du lecteur, souvent distraite par cette multitude d’objets divers entre lesquels elle est obligée de se partager, n’est jamais fortement excitée que par ceux qui sont réellement dignes de la fixer, & qui lui offrent de grands résultats.

Pénétré de respect pour la mémoire d’un ami que je regrette sans cesse, & dont la perte irréparable[1] pour mon cœur laisse encore un vuide affreux dans les lettres ; très-convaincu d’ailleurs qu’il me seroit impossible, je ne dis pas de faire mieux que lui mais de faire à-peu près aussi bien, &, pour parler comme Montaigne, de lutter en gros & corps-à-corps ce vieil athlète, j’ai conservé religieusement cette partie de son travail dans l’Encyclopédie ; & ce qui m’a paru nécessaire pour le compléter ou pour rectifier certains faits est enfermé entre deux crochets disposés de cette manière, [ ] afin qu’on ne puisse pas imputer à cet homme de génie[2], auquel son siècle n’a pas rendu justice, les fautes que je peux avoir commises.

À l’égard des articles dont il n’est pas l’auteur, j’en ai usé comme de mon propre bien, je les ai refaits en tout ou en partie selon qu’ils m’ont paru exiger des changemens plus ou moins considérables : les gens de lettres que Diderot en avoit chargés, ou qui, par une suite naturelle de cette ferveur & de cet enthousiasme qu’inspire d’abord un grand projet consacré tout entier à l’utilité publique, lui avoient offert des secours ; occupés d’autres travaux, ou trop foibles pour celui qu’ils s’imposoient, s’étoient contentés de copier servilement Huet, Deslandes, Rapin, &c. sans les citer, & sur-tout sans corriger leurs inexactitudes, & sans réparer leurs omissions.

Il seroit injuste de refuser à Brucker & à Stanley les éloges que méritent la nouveauté, la hardiesse & la difficulté de leur entreprise ; mais le respect qu’on doit à la vérité, ne permet pas de dissimuler les négligences & méprises de toute espèce qui leur sont échappées. Montaigne observe que « tel allègue Platon & Homere qui ne les vid onques ; & moi, ajoute-t-il, ay prins des lieux assez, ailleurs qu’en leur source. » Cette méthode, si propre à perpétuer les erreurs me paroît être celle de Stanley & plus encore celle de Brucker[3]. Mais ce qui est absolument sans conséquence & sans inconvénient


  1. Multis ille quidem flebilis occidit :
    Nulli flobilioir quam mihî

  2. Maximè solutum, & sine obtrectatore fuit, prodere de iis, quos mors odio aut gratiæ exemisset. Tacit.
  3. Il suffit, pour s’en convaincre de lire dans les Auteurs originaux la plupart des passages