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NOTICE RAISONNÉE.

Si l’invitation, & les motifs qui l’ont déterminée, sont une nouvelle & derniere preuve de ce que j’ai reproché à l’esprit de commerce, resserré dans les bornes de l’intérêt individuel ; le refus, de l’autre part, et la démonstration la plus frappante de tout le bien que doit produire l’esprit public, s’il peut enfin s’établir en France. Lui seul élevant l’homme de chaque profession au rang de citoyen, le dépouille des préjugés qui l’isolent & le dégradent ; lui seul vient à haut de former, de tous les individus d’une même nation, une classe estimable & saine, où les distinctions civiles n’alterent les propriétés de personne ; une famille unie & intelligente, dont les membres se chérissent & s’entraident ; une société bien organisée, où la félicité de chacun est attachée au bonheur de tous, & s’augmente de son intensité.

Heureux à jamais ce beau royaume, déja si favorisé de la nature, si l’amélioration de sa constitution politique releve & soutient le peuple souffrant & abattu, éclaire & humanise les grands, souvent aveuglés sur leurs propres intérêts, protege & maintient les différents ordres, les oblige ensemble de respecter également les loix, & de bénir leur influence ! Alors l’industrie, libre & puissante, développera son activité, multipliera les sources & les canaux de la population & de l’aisance ; alors le commerce & ceux qui l’exercent, ne seront pas d’égoïstes méprisables ou de riches insolens, mais des hommes précieux à L’état par leur vigilance, leur sagesse, les biens qu’ils sauront acquérir & répandre dans leur pays. Alors, sans doute, on n’aura point à reprocher à l’administration de négliger, dans ses traités avec des peuples voisins, l’avis de ses sujets, dont ces traités intéresseroient l’existence : comme dans le traité de commerce avec l’Angleterre, pour lequel cette sage puissance a consulté ses principaux commerçants, tandis qu’il n’a pas même été donné aux nôtres de faire la moindre observation. Mais on trouvera, dans le cours de mon travail, quelques réflexions sur ce traité, vainement défendu aujourd’hui contre les réclamations de toute la France, & malgré ses désastreux effets [1]. Je m’arrête avec complaisance sur l’heureuse révolution qui se

  1. Au mois d’août dernier (1788) il me tomba entre les mains un volume in-8o. intitulé : Lettre à la chambre de commerce de Normandie, &c. sans nom d’auteur ; je lus cet écrit avec d’autant plus d’empressement, qu’il avoit pour but de combattre des faits, exposés par cette compagnie, des principes établis, & des conséquences motivées, dans son mémoire sur les effets pernicieux du traité de commerce entre la France & l’Angleterre, ouvrage qui m’avoit paru bien pensé, solidement écrit. Je relus une seconde fois la lettre critique : j’en fis l’extrait, & je la rendit. La recevoir, entendre assez longuement disserter sur son importance, la lire deux fois, en faire l’extrait, & l’expédier avec une lettre d’envoi, contenant mon opinion assez détaillée sur ce qu’elle renferme, tout cela fut l’affaire de douze heures, dans lesquelles la nuit étoit comprise. Il est inutile de rapporter ici les raisons d’une pareille expédition : elles ne seroient pourtant pas absolument indifférentes a ceux qui prennent quelque intérêt à ces ouvrages ; mais elles ne sont pas ignorées de tout le monde, & cela me suffit. J’écrivois alors le mot commerce, dans ce supplément : j’y mis une suite à laquelle