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PRÉLIMINAIRE.

pris à la vérité vingt-trois millions huit cents trente-trois mille quatre-vingt onze livres, pour des remboursemens indispensables ; que le montant des anticipations étoit déja à soixante-dix-huit millions deux cents cinquante mille livres ; que les pensions étoient arriérées de trois à quatre années ; qu’il existoit de plis, dans chaque département, une dette exigible arriérée, très-considérable : mais on ne dit point quels étoient les capitaux on ne distingue point ceux qui pouvoient être exigibles, de ceux qui ne l’étoient pas ; en sorte qu’il n’est pas possible d’évaluer, avec exactitude, la masse de la dette nationale à cette époque. Des gens instruits & modérés, prétendent qu’elle n’étoit pas moindre de trois milliards.

L’esprit d’ordre & l’amour du bien, qu’on voyoit règner dans toutes les opérations du nouveau ministère, inspirerent la confiance, & le crédit fut rétabli. Au mois d’octobre 1775, l’intérêt de l’argent étoit tombé à quatre pour cent. Plusieurs provinces & le clergé emprunterent à ce taux, pour rembourser des fonds dont ils payoient cinq pour cent.

En vingt mois, quatre-vingt-huit millions furent répandus tant sur la dette exigible arriérée, que sur la dette constituée, & sur les soixante & dix millions d’anticipations : & malgré les fonds faits pour le remboursement annuel de vingt-cinq millions, les finances se trouvoient avec un excédent de trois millions six cents milles livres de la recette à la dépense[1], & qui devoit s’accroître d’année en année.

Une nouvelle administration n’adopta pas les mêmes principes d’ordre, d’économie & d’exactitude. Elle fut principalement marquée par l’établissement d’un jeu public d’argent sur quatre-vingt-dix numéros, jeu qui séduit toujours les pauvres, les esprits foibles, & les gens toujours dévorés par la cupidité ; établissement connu sous le nom de Loterie Royale, & dont on reconnoîtra peut-être un jour que les effets sont aussi funestes aux mœurs, que nuisibles aux finances de l’Etat.

Les anticipations qui avoient été réduites à cinquante-un millions, remonterent à cinquante-six ; on fit quelques emprunts ; on reçut des fonds des administrateurs de la loterie royale, & des fermiers des octrois de Lyon. La situation des finances empiroit, lorsqu’au titre de contrôleur-général fut substitué celui de directeur-général des finances. Il se trouvoit un déficit de vingt-quatre millions entre la recette & la dépense ; il fut effacé en peu de tems. Moins de quatre années suffirent pour remonter la recette au-dessus de la dépense de dix millions deux cents mille livres ; c’est ce qu’établit le compte rendu en 1781.

En vain a-t-on prétendu que cet excédent étoit illusoire ; que la recette étoit forcée de trois millions cent mille livres sur le nouveau bail des fermes ; de trois millions sur la régie générale ; de six millions sur l’administration générale des domaines ; que la part du roi dans les produits de ces trois régies, étoit exagérée à douze cent mille livres, &c. &c. &c.

L’expérience a justifié l’exactitude des fixations qui avoient été faites. Trois années expirées ont mis en évidence que les produits de ces perceptions, bien loin d’être forcés comme on l’a avancé si légérement, ont, malgré l’augmentation du dixième mis en 1781, augmenté de plusieurs millions, de façon à donner un bénéfice annuel de soixante à soixante-dix mille livres aux fermiers-généraux ; de quarante-huit à cinquante-quatre mille livres aux régisseurs généraux, & de soixante-quatre à soixante-douze mille livres aux administrateurs généraux des domaines ; en sorte que cette derniere partie, sur laquelle on supposoit l’exagération la plus considérable, porte elle seule la part du roi dans les bénéfices, à environ quinze cents mille livres pour chacune des trois années expirées ; & l’on

  1. Mémoires sur la vie & les ouvrages de M. Turgot, in-8o, pages 125 & 136.