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PRÉLIMINAIRE.

des impôts, dont la suppression avoit suivi le dernier traité.

Mais comme depuis trente années les vrais principes du gouvernement, oubliés ou écartés dans les momens de détresse & de crise, avoient été remis en vigueur de tems en tems, ils avoient r’ouvert & multiplié les sources de l’aisance publique, soit en protégeant le commerce, soit en facilitant ses opérations extérieures ; & toutes les classes de l’Etat avoient plus aisément supporté leurs charges, quoique très-pesantes.

On avoit d’abord commencé à réduire de moitié les droits de sortie sur les étoffes de fil, poil ou laine mêlées de soie, ensuite sur les chapeaux & les papiers. La pêche avoit aussi reçu des encouragemens, par l’affranchissement absolu accordé aux huiles de poisson qui en proviendroient. Tous les droits imposés sur la vaisselle & les ouvrages d’orfévrerie d’or & d’argent exportés du royaume, avoient été modérés. Le commerce de l’Inde, celui des îles de l’Amérique, la traite des noires, avoient également reçu des faveurs. Mais la plus étendue & la plus sensible fut celle qui date du 13 octobre 1743. Elle consistoit dans une exemption entiere des droits sur les étoffes & tissus de toute espèce, en laine, poil, coton, fil, ou mêlés de ces différentes matieres, sur les toiles, sur les ouvrages de bonneterie & les chapeaux des fabriques du royaume, & qui en seroient exportés[1].

Mais ce n’étoit pas assez d’exciter ainsi le débouché de nos fabriques. L’année qui suivit la paix, vit également affranchir entiérement toutes les matieres premieres qui leur étoient propres, comme les laines non filées, les cotons en laine, les chanvres & les lins en masse, les poils de chèvre & de chameau[2].

  1. On ne doit pas omettre de citer, au sujet de cette suppression de droits, un trait de désintéressement de la part des fermiers-généraux, parce que les exemples de l’amour du bien public peuvent en tous tems trouver des imitateurs.

    Le roi avoit annoncé, par son arrêt du 13 octobre 1743, que cette suppression de droits auroit lieu au premier octobre 1744, époque d’un nouveau bail des fermes. Les fermiers-généraux, cautions de Forceville, représenterent qu’il étoit à craindre que jusqu’à ce tems cette exemption ne fît un effet contraire aux vues de sa majesté, par une suspension de commerce, laquelle, quoique momentanée, pourroit causer du dérangement ; que pour l’éviter, ils pensoient que les fabricans ne pouvoient jouir trop tôt d’une grace aussi intéressante pour le commerce. Dans cette vue, & afin de donner des marques de leur zèle pour le bien public & pour le service de sa majesté, ils consentirent que cette immunité eût lieu dès le premier novembre 1743, sans demander aucune indemnité. Ces offres furent agréées par l’arrêt du 13 octobre.

  2. Cet affranchissement ne devoit avoir lieu qu’au premier octobre 1750, & le règlement qui l’accordoit étoit publié au mois de novembre 1749. Les cautions de l’adjudicataire la Rue imiterent leurs prédécesseurs, ils demanderent qu’il commençât dès le premier janvier suivant, & se désisterent de toute indemnité. Quelle différence entre cette conduite & celle des cautions du Templier, qui se trouve consignée dans l’arrêt du 2 avril 1702. Ceux-ci refuserent de se prêter à une suppression & diminution de droits sans indemnité ; cette résistance mal entendu obligea le gouvernement à suspendre, en grande partie, cette faveur, qui devoit avoir lieu au premier janvier 1702, jusqu’au premier octobre 1703, qui étoit le terme de leur bail ; & les conjonctures empêcherent ensuite qu’elle ne fût accordée jusqu’en 1743.

    C’est aux fermiers-généraux qu’on doit la conservation du Palais-Bourbon, qui fait un point de vue si agréable pour la place de Louis XV. On en trouve la preuve dans l’arrêt du conseil du 30 août 1754. Il ordonne l’exécution de la délibération des fermiers-généraux, cautions de Bocquillon, du 29 juillet précédent ; délibération portant qu’ayant été informés que la démolition de l’hôtel appellé le Palais-Bourbon avoit été projetée, ils ont arrêté, dans la vue de conserver un édifice propre à contribuer à l’embellissement du monument que la ville de Paris se propose de faire ériger, pour transmettre à la postérité la mémoire des conquêtes du roi, & donner à sa majesté des preuves de leur zèle, ils fourniront la somme de neuf cents milles livres, qu’on leur a dit être nécessaire pour l’acquisition de ce palais, dont trois cents mille livres ne seront jamais remboursées, & les autres six cents mille livres leur seront rendues en six ans, & sans intérêt.