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PRÉLIMINAIRE.

gine de ce systême de crédit, jusqu’à son anéantissement en 1720. Mais nous avons à le considérer dans les révolutions qu’il a opérées, soit à l’égard des particuliers, soit à l’égard des finances de l’Etat.

Un très-grand nombre de familles, sans doute, fut écrasé sous les ruines du systême ; mais un grand nombre d’autres se releva de l’abaissement, en trouvant le moyen de libérer ses dettes. C’est principalement aux propriétaires des terres qu’il fut favorable. Les uns profitèrent du haut prix où elles étoient portées, pour liquider de gros emprunts, par la vente d’une petite partie de leurs fonds ; d’autres empruntèrent à bas intérêt, pour rembourser ce qu’ils devoient sur le pied de cinq à six pour cent, & diminuèrent ainsi leurs charges.

Plusieurs profitèrent du discrédit des billets pour les acheter à vil prix & rembourser leurs créanciers. En général tous les débiteurs gagnoient ce que perdoient les créanciers. Mais il se trouva une perte qui ne fut au profit de personne, sur la baisse des effets qui avoient circulé comme monnoie, & qui avoient été employés dans les remboursemens.

Quand même on supposeroit que la même somme d’argent existoit dans l’Etat, ce qui n’est pas vraisemblable, il faudroit toujours convenir que l’inégalité étoit devenue plus grande dans la répartition ; que quantité de familles bien établies, en état de secourir la chose publique, furent renversée, sans que leur malheur tournât au profit d’un nombre égal de familles enrichies ; que dès-lors la population dut perdre beaucoup, ainsi que les finances.

D’un autre côté, les cultivateurs & les gens de campagne gagnèrent au systême dans les environs des grandes villes, parce que la consommation fut très-vive, & que leurs fermages continuant sur le pied où ils étoient avant le tourbillon, ils s’acquittèrent des arrérages de leurs impositions. Mais ce bénéfice ne fut pas de longue durée, parce que les non-valeurs qui suivirent la chute du systême, le défaut de circulation & l’augmentation des impôts les replongèrent dans la pauvreté d’où ils venoient de sortir.

Les manufactures travaillèrent assez vivement pendant quelque tems, pour répondre à l’accroissement de la consommation, & des demandes de ceux qui réalisoient en marchandises ; mais le commerce perdit considérablement par le décri des billets de banque, par l’anéantissement où le défaut de circulation le retint, après leur avilissement pendant plusieurs années.

Cependant le luxe qui commença à s’introduire, soit parmi la noblesse, qui s’étoit libérée de ses dettes, soit parmi les particuliers enrichis par l’agiotage, anima l’industrie dans quelques branches. L’impossibilité de garder des espèces qui avoient été prohibées par plusieurs arrêts du conseil, avoient porté nombre de personnes à les convertir en vaisselle & en bijoux précieux. Leur éclat une fois étalé, n’osa plus disparoître, & ne fit qu’augmenter chaque jour. Des agioteurs, spéculant sur les apparences d’une fortune éblouissante, afin de la faire réellement, s’étoient montrés sour le masque d’un faste opulent, pour étayer les débris d’un crédit chancelant, & par une chaîne fatale d’impostures, toutes les conditions excitées par le même intérêt, avoient usé de la même ressource. Chacun avoit emprunté les marques d’un état supérieur au sien ; & la vanité de paroître l’emportoit sur la crainte de se ruiner. La première opulence ne connoissoit plus de bornes, & toutes les classes aisées vouloient s’en rapprocher. Ces diverses causes donnèrent, il est vrai, de l’émulation & de l’essor au génie des artisans, abattu par une longue inaction, & peut-être est-ce en cela seul que le systême fit quelque bien. Il introduisit aussi l’esprit de calcul, d’examen & de discussion en affaires d’argent, de change & de commerce. Mais il est à présumer que tous ces bons effets eussent pu être produits par un plan d’administration moins orageux & moins funeste au commerce comme aux finances.