Page:Encyclopédie méthodique - Finances, T1.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xlvij
PRÉLIMINAIRE.

réputation dans les grandes places, & que la connoissance du caractère moral d’un administrateur, influe plus qu’on ne pense sur le succès des opérations publiques. Ce ministre nous apprend lui-même, dans un mémoire qu’il remit à M. le Régent, après la mort de Louis XIV, que la rareté des espèces, les sommes considérables dues aux trésoriers & aux entrepreneurs, le défaut de paiement des assignations, le discrédit des effets royaux, l’usure qui se faisoit sur les billes de monnoie, avoient mis les finances dans un état qui paroissoit sans remede… Il sut si bien faire mouvoir les ressorts du crédit & du mouvement, en substituant toujours de nouveaux moyens à ceux qui s’épuisoient ou s’affoiblissoient, enfin, en établissant le dixieme, qu’il parvint non-seulement à mettre les peuples en état, par leur travail & leur industrie, de supporter les charges qui leur étoient imposées, mais encore à soutenir la France, & l’empêcher de succomber sous les efforts de ses ennemis, aigris & irrités au point de se partager les provinces du royaume, qu’ils regardoient déja comme une proie qui ne pouvoit plus leur échapper.

Voyez le détail de toutes les opérations de finance, dans l’ouvrage de M. de Forbonnais, tome 4 & 5, in-12.

La paix d’Utrecht, en rendant le repos à l’Europe, laissoit la France accablée sous le poids d’une dette énorme ; la nation étoit épuisée par des guerres presque continuelles depuis 1666 ; les campagnes étoient désertes ; le commerce languissoit ; la confiance ne subsistoit plus ; une infinité de familles réduites à une pauvreté extrême, avec des titres de propriétés immenses, tel étoit le tableau douloureux du royaume.

La mort de Louis XIV, arrivée en 1715, accrut encore la calamité générale. Le désordre des finances étoit si grand, qu’on rapport que peu de tems avant sa mort, ce monarque ayant eu un besoin pressant de huit millions, fut obligé de se servir du crédit d’une compagnie, qui ne les obtint des étrangers qu’avec des rescriptions ou des billets pour trente-deux millions. Réflexions politiques sur les finances, par Dutot, tome premier, page 83.

Heureusement que le droit du sang & les vœux du peuple appellerent au gouvernement de l’Etat, pendant la minorité du successeur de Louis XIV, un prince dont le génie aussi vaste, que son intention étoit droite, donnoit à la nation l’espérance de se relever de ses malheurs.

Cette espérance fut bientôt fortifiée encore, par le plan qu’adopta le Régent, & par les premieres opérations qui en furent le résultat. En établissant différens conseils sur chaque partie de l’administration, dont le travail se rapportoit au conseil de Régence, c’étoit exciter l’émulation des hommes, que de les rassembler pour les mêmes affaires, préparer la sagesse de leurs décisions, par une plus grande profondeur dans l’examen, & accélérer le cours des expéditions, sans rien donner à la précipitation.

On peut voit à l’article gouvernement, l’extrait de la déclaration qui établit ces différens conseils.

Jamais on ne vit de plus beaux règlemens sur les finances, que ceux qui sortirent du conseil de cette partie, auquel présidoit le maréchal de Noailles. Il faut convenir que la situation des affaires ne demandoit pas moins de prudence que d’habileté, pour inspirer au peuple de la confiance dans un gouvernement qui prenoit naissance au milieu du plus affreux bouleversement.

Suivant l’auteur des Réflexions politiques sur les finances, il étoit dû deux milliards trois cents millions à la mort de Louis XIV, l’argent étant alors à quarante livres le marc, & une bonne partie des revenus de 1716 & de 1717 étoit consommée.

La difficulté de payer une dette aussi prodigieuse, fit donner pour premier conseil au Régent, d’en faire la banqueroute totale. « Le royaume est ruiné, lui disoit-on, il faut en sacrifier une partie pour sauver l’autre. La partie sacrifiée est moins à celle que l’on conservera, que