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PRÉLIMINAIRE.

changer au fond ni à la forme des impôts, on se contenta de les étendre & de les multiplier.

Une régence orageuse succéda au règne de Louis XIII. Les troubles intérieurs désoloient Paris & les provinces ; la guerre embrâsoient les frontières ; le poids des impôts devint si accablant, que l’impuissance de les payer, imposa la nécessité de les réduire. La nation n’avoit plus, comme du tems de Sully, les moyens de repousser la misère par le travail ; & elle manquoit des ressources qui se trouvent dans un commerce animé.

Les Italiens, d’abord placés dans l’administration des finances, sous Catherine de Médicis, dont la plupart étoient les parens, avoient été chassés en 1594, après la mort du surintendant des finances, M. d’O. Ils furent rappellés sous le ministère du cardinal Mazarin ; & c’est à eux qu’il dut plusieurs moyens onéreux d’extorquer de l’argent par des affaires qu’ils prenoient en parti, ou par traité, & pour des sommes modiques. De-là vinrent les noms de partisans & de traitans que l’on donna dès-lors aux financiers.

On peut voir dans les Recherches & considérations sur les finances, le détail chronologique de toutes les opérations qui se firent sous ce règne, les unes dangereuses, d’autres vicieuses en elles-mêmes, mais presque forcées par les obstacles que de meilleures trouvoient dans leur établissement de la part des Cours, dont la vérification devenoit une formalité indispensable.

Nous touchons au tems heureux où le zèle infatigable & patriotique de Colbert, va poser les fondemens solides de notre prospérité, & montrer dans les faveurs accordées au commerce, la véritable source des revenus de l’Etat. Peut-être laisse-t-il à desirer que ces faveurs ne se soient pas étendues sur les grains ; mais n’anticipons pas sur les événemens. Arrêtons-nous à faire connoître rapidement la situation des finances avant l’avénement de ce grand homme au ministère. On en sera plus à portée d’apprécier tout le mérite de ses travaux.

La requête que les trois États de l’Isle de France présentèrent au parlement en 1648 contre le cardinal Mazarin, va nous donner des lumières sur notre objet : « Il a ruiné les finances, disent-ils ; il a confondu l’ordre, en les mettant en parti ; les taillent ne se levent plus que par le moyen des compagnies de fusiliers, qui commettent tous les jours des cruautés inouies. Il s’est vu à-la-fois vingt-trois mille prisonniers dans les provinces du royaume, pour cause de taille ou autres impositions, desquels il en est mort cinq mille de misère en l’année 1646, ainsi qu’il a été justifié par les écrous & registres des geoliers. On a consommé tous les ans cent à six-vingt millions sans avoir payé les gens de guerre, ni les autres dépenses de la marine & de l’artillerie, auxquels il est dû plus de quatre années, ni pourvu les places frontières d’hommes & de munitions. »

L’année suivante fit voir jusqu’où le désordre & la licence étoient portés. Les peuples accablés d’impositions refusoient de payer les tailles, les aides & les gabelles. Le sel se vendoit publiquement dans les marchés, à vingt lieues aux environs de Paris. Douze cents bateliers de la Loire étoient allés ouvertement à Nantes chercher du sel, & il se vendoit publiquement dans les villages, à la porte des églises, comme une marchandise ordinaire. Quiconque étoit poursuivi pour dettes ou pour crime, n’avoit qu’à crier à la maltôte, & le peuple se déclaroit pour lui.

Depuis 1621 seulement, il avoit été créé pour vingt-cinq millions cinq cents trente-deux mille livres de rentes, y compris les onze millions empruntés en 1634, pour rembourser au denier dix-huit les droits aliénés sur les tailles & les gabelles… Les divers traités passés avec les gens d’affaires, n’avoient servi qu’à faciliter leurs rapines. Le besoin continuel où l’on étoit d’eux, leurs