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PRÉLIMINAIRE.

Les besoins de Henri IV n’étant pas moins pressans que ceux de son prédécesseur, mort en 1589, il convoqua à Rouen une assemblée de personnages notables, pour examiner la situation de ses finances, & rechercher les moyens de satisfaire aux charges de l’Etat, occasionnées par trente-cinq ans de troubles & de guerres.

Après quatre mois de travail, cette assemblée proposa la création d’un droit sur les denrées & marchandises à leur entrée des villes, gros bourgs & bourgades, ou vendues dans les foires & marchés.

L’édit du mois de mars 1597 adopta ce droit[1], & régla qu’il n’auroit lieu que pendant trois années, & il y fut joint un tarif de sa quotité. Les soies crues, les laines, le lin, chanvres, & autres matières propres aux manufactures, furent exemptes de ce droit.

Jusques-là les nécessités publiques & la multitude de droits qu’elles avoient engendrés, l’avidité des favoris du foible Henri III, dont l’attachement ne se marquoit que par de scandaleuses prodigalités[2], avoient introduit la confusion dans la régie des revenus du roi. Toutes les parties étoient affermées au dessous de leur valeur ; cependant les fermiers, sûrs de trouver de l’appui dans le conseil, dont plusieurs membres & étoient à-la-fois leurs associés & leurs complices, étendoient arbitrairement les impôts. Plusieurs grands seigneur en avoient créé de nouveaux, qu’ils faisoient lever à leur profit dans leur gouvernement, sans y avoir été autorisés que par la licence des guerres civiles. Les marchands profitoient également de ces tems de désordres pour éluder le paiement des droits.

Ceux des cinq grosses fermes, en particulier, n’étoient administrés que suivant d’antiques ordonnances, dont les disposi-

    rées & marchandises venant des pays étrangers en ce royaume, paieront à leur entrée le droit porté dans le règlement attaché à ces présentes ; droit qui étoit de deux pour cent de la valeur. Mais s’étant trouvé de la différence entre les évaluations des marchandises faites dans les provinces, il fut dressé un nouveau tarif le 11 septembre 1582, portant modération des droits, & confirmant l’exemption absolue accordée aux draps d’Angleterre de toute sorte.

    C’est ici l’occasion de relever une erreur présentée dans la collection des mémoires sur les impositions. On ne connoissoit, avant Henri III, y est-il dit, à la page 495 du troisieme volume, d’autres droits à l’entrée des marchandises étrangères dans le royaume, que sur les drogueries, épiceries & les aluns. Le droit sur les épiceries fixé à quatre pour cent, avoit été établi en 1549 ; & celui des aluns en 1554, à raison d’un écu par quintal. Il est aisé de juger de l’exactitude de cette assertion, après avoir vu que dès 1345, il existoit des droits d’entrée sur les bestiaux ; en 1358, un autre droit d’entrée de douze deniers sur les marchandises étrangères apportées en Languedoc, sans parler de la boête aux Lombards ; autre droit d’entrée qu’on trouve rappellé dans les éclaircissemens qui sont à la tête du deuxième volume de l’ouvrage intitulé le secret des finances. Ce dernier droit est dénommé parmi quinze autres d’une nature différente, & qui se levoient dans le diocèse de Rouen. D’ailleurs l’édit même de Henri III annonce, par son préambule, qu’il existoit déja des droits d’entrée particuliers à différentes parties du royaume, sans parler de ceux de la douane de Lyon, antérieurs même à François Ier, & que l’objet actuel du monarque, étoit seulement d’établir un droit qui fût général & perceptible sur toutes les frontieres du royaume, indépendamment des autres droits particuliers qui se payoient. Voyez la fin des lettres-patentes du 11 septembre 1582 ; l’histoire du tarif de 1664, tome ier, pag. 117.

  1. Nous a été représenté (porte cet édit) n’y avoir moyen plus tolérable & plus égal pour le soulagement de notre peuple, attendu que l’ancienne aide de douze deniers pour livre, est presque anéantie, que de faire lever un droit d’entrée modéré sur toutes les denrées & marchandises entrant ès villes, fauxbourgs d’icelles, gros bourgs & bourgades, ainsi qu’aucuns rois nos prédécesseurs avoient fait lorsqu’ils étoient travaillés des guerres, & que le peuple étoit appauvri par la longueur d’icelles, comme il l’est à présent. Recueil de Fontanon, tome 2, pag. 132.
  2. Le duc de Joyeuse ayant épousé une sœur de la reine en 1581, ce prince lui donna quatre cents mille écus de dot, & les noces coûterent quatre millions de livres.