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DISCOURS

Il ne regne pas moins d’obscurité dans l’histoire des finances, sous les premieres races de nos rois, après l’établissement de la monarchie. On n’y trouve que des faits plu curieux qu’intéressans, relativement à l’état actuel des choses, & encore sont-ils très-incertains. C’est du moins l’idée qu’en donne la contradiction des sytêmes élevés, sur cette maniere, par différens écrivains également dignes d’estime, & d’après les mêmes monumens qu’ils ont expliqués d’une maniere tout-à-fait opposée[1].

M. l’abbé Dubos & M. l’abbé Garnier ont prétendu que Clovis & ses successeurs maintinrent toutes les impositions établies dans les Gaules par les Romains ; que les fonds qui appartenoient au fisc, formerent le domaine de la couronne ; que ces rois conserverent les usages de l’empire pour la levée du subside annuel, qui s’appelloit le tribut public, parce qu’il étoit affecté au paiement des troupes & à l’acquittement des autres charges de l’état ; au lieu que le domaine formoit un revenu séparé, spécialement destiné à l’entretien du prince & de sa maison.

Ils soutiennent aussi que les droits de douane & de péage, que levoient les Romains, ont subsisté sous la premiere & la seconde race de nos rois, & que leur produit faisoit une des plus considérables branches des revenus de ces princes ; enfin, qu’ils recevoient de leurs sujets, en certaines occasions, des dons volontaires ou réputés tels, ainsi que les empereurs Romains.

Ce systême a été vivement combattu par d’autres écrivains, qui pensent que les impôts de tout genre, levés par les Romains, cesserent dans les Gaules en même tems que leur domination ; que le prince eut pour sa dépense particuliere, ses domaines, qui consistoient en des terres cultivées & régies d’une maniere économique ; que les droits de douane ne furent pas connus des premiers François, & que les péages n’étoient point une imposition publique & fiscale, mais des droits établis par les seigneurs, dans l’étendue de leurs terres, sous prétexte des dépenses nécessaires pour l’entretien des chemins & les réparations des ponts & chaussées ; que les rois avoient, à la vérité, quelques-uns de ces péages dans leurs domaines, mais au même titre que ceux des seigneurs ; que le gîte qui étoit dans les archevêchés, évêchés & abbayes, fut converti depuis en argent, appellé droit de gîte, & qu’il en fut de même de l’obligation imposée aux habitans de la campagne, de fournir des chevaux & des voitures, & qui fut changée en un droit d’ost, ou de chevauchée.[2]

Il seroit inutile d’entrer dans le détail des autorités employées de part & d’autre, pour appuyer ces opinions opposées. Sans s’engager dans des dissertations qui n’auroient pas plus d’utilité que d’agrément, on se contentera de prévenir qu’on trouvera bientôt des faits qui fortifient beaucoup la premiere de ces opinions.

    admis- facinus, si cædes facta est ; si de hæreditate, de finibus, controversia est, litem decernunt, præmiz, pœnasque constituunt : si quis aut privatus, aut publicus eorum decreto non sterit, sacrificiis interdicunt ; hæc pœna apud eos gravissima. Quibus est ita interdictum, iis numero impiorum & sceleratorum habentur, iis omnes decendunt ; ad itum eorum sermonemque diffugiunt, ne quid est contagione incommodi accipiant ; neque iis pecentibus jus redditur, neque honos ullus communicatur. De Bello Gallico, lib. 6.

  1. Histoire critique de la Monarchie Françoise, par M. l’abbé Dubos.
  2. Ni sous la premiere, ni sous la seconde race, ni bien avant la troisieme lignée de nos rois, nous ne connoissions en France l’usage des tailles, aides, subsides, tels que nous les voyons aujourd’hui. Nos rois, pour leur entretenement, faisoient fonds de leur domaine. Quand aux levées extraordinaires, il s’étoit insinué une coutume, que les rois passent par les archevêchés, évêchés, abbayes, y gîtoient & aubergeoient pour une nuit ; chose qui fut changée en quelque redevance en argent, non grande, appellée droit de gîte. Recherches de Pasquier, liv. 2, chap. 7.