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DISCOURS

Juste Lipse[1] prétend que le revenu annuel des empereurs montoit à trois cent millions. Il ajoute que, sous Adrien, les forces de l’empire consistoient en deux cents mille hommes d’infanterie, quarante mille de cavalerie, deux mille chariots de bataille, trois cents éléphans, deux mile vaisseaux ronds, & quinze cents galères.

Après avoir donné une idée des finances des Romains, nous avons à parler d’abord, des loix qui leur étoient applicables, & des privilèges qu’elles comportoient ; nous ferons mention ensuite des personnes chargées du recouvrement des deniers publics, sous les officiers qui présidoient à l’administration générale.

Lorsqu’on avoit payé plus qu’il n’étoit dû, ou pour des choses exemptes, on étoit en droit de réclamer ce qui avoit été perçu induement ; & même, si l’erreur de cette perception n’étoit pas prouvée, le percepteur étoit sujet à une punition arbitraire réglée par les juges.

Si un fermer avoit négligé de lever les droits sur quelques denrées ou marchandises, son successeur ne pouvoit en rétablir la perception sans un ordre du prince. Il étoit également défendu de réformer, soit en ajoutant, soit en diminuant la quotité des impositions[2].

La déclaration seule des marchands ne suffisoit pas pour établir la perception des droits. Les receveurs ou préposés[3] étoient autorisés à ouvrir les malles & les ballots, & à les visiter avec soin, pour vérifier si les marchandises avoient été exactement déclarées[4]. On en trouve la preuve dans l’opuscule de Plutarque, sur la curiosité. « Nous sommes irrités contre les Publicains, dit cet auteur, & nous supportons impatiemment, non pas qu’ils visitent les marchandises exposées à la vue, mais qu’ils fouillent par-tout, sans aucun ménagement, pour découvrir les marchandises que l’on tient cachées. Cependant la loi leur permet de faire ces recherches, & s’ils ne les font pas, cette négligence tourne à leur préjudice. »

Ciceron, dans l’oraison seconde de lege agraria contra Rullum, fait alusion à la coutume des douaniers, de fouiller tout le monde, en leur comparant les décemvirs, qu’on proposoit d’établir, pour faire la recherche de toutes les fortunes.

Au reste, l’examen des objets déclarés étoit d’autant plus nécessaire, que le desir d’éluder le paiement du droit, est né dans des ames basses & avides, en même tems que ce droit a été établi.

Ciceron reproche à Verrès d’avoir fait exporter une grande quantité de meubles & d’effets précieux, sans payer les droits dûs aux fermiers de la république, & d’avoir ainsi fraudé en quelques mois vingt à trente mille livres de notre monnoie[5].

Comme les esclaves étoient sujets à payer le cinquantieme, ensuite le vingt-cinquieme de leur valeur, Quintilien & Suétone rapportent que ceux qui en trafiquoient, faisoient revêtir de la prétexte[6] des enfans qu’ils amenoient à Rome pour les vendre, afin qu’ils parussent être d’une condition distinguée, & qu’ils fussent, en conséquence, affranchis des droits.

Les avantages du corps politique étant communs à tous les membres qui le com-

    que in armis, quot classes, regna, provinciæ, tributa aut vectigalia, & largitiones ad necessitates. Tacit. lib. i. annalium.

  1. De magnitudine Romanâ, cap. 3.
  2. Si quid indebitum, per errorem solventis, publicanus acceperit, retro eum restituere rescriptum est. Dig. l. 26. Vectigalia sine imperatoris præcepto, neque præsidi, neque curatori constituere, nec prudentiâ reformare, vel his addere, vel diminuere licet. Lib. 10, §. de publicanis.
  3. Ceux qui percevoient les revenus publics, étoient appellés curatores, procuratores, decennarii, & devoient leur création à Auguste, suivant Dion Cassius, lib. 53.
  4. Traduction de M. Bouchaud, dans son ouvrage intitulé, De l’impôt du vingtieme sur les successions, & de l’impôt sur les marchandises, in-8{{o}. p. 264.
  5. Oratio in Verrem, lib. 2, num. 72 & 74.
  6. C’étoit une robe traînante & bordée, que les enfans des patriciens portoient jusqu’à sept ans.