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DISCOURS

champs, qui composoient le domaine de la république.

La taille que les possesseurs de fonds avoient à payer, ne les dispensoit pas de contribue, suivant les circonstances, pour une certaine quantité de bled, de lard, de vinaigre, de vin, & autres denrées qui se distribuoient aux gens de guerre, auxquels il falloit encore quelquefois fournir du foin, de la paille, & même des habits.

La construction de quelques édifices publics donnoit encore lieu à des contributions, soit en deniers, soit en corvées ; & personne n’en étoit exempt que l’ordre des sénateurs.

La capitation, ou la taille personnelle, étoit également établie chez les Romains, & tous les individus y étoient sujets sans distinction de sexe ; savoir, les hommes depuis l’âge de quatorze ans, & les femmes depuis douze jusqu’à soixante-cinq ans. Quant à sa quotité, elle n’étoit pas la même par-tout ; mais au besoin, elle étoit doublée, & l’on exigeoit plusieurs années d’avance.

Auguste avoit imposé un droit sur les effets exposés en vente dans les foires & dans les places publiques. Ce droit se trouve désigné par le nom de vectigal rerum venalium. Il se payoit d’abord par le vendeur, à raison de deux centièmes de la valeur de certaines marchandises, du centième sur d’autres, & enfin du cinquantième sur les esclaves[1].

Sous Caligula, ce droit fut porté au vingt-cinquième ; les comestibles même y furent assujettis.

On vit alors des impositions aussi bizarres qu’odieuses, enfantées par le caprice & la tyrannie, pour assouvir la soif de l’or.

Les unes consistoient en des taxes sur les mendians, sur les courtisanes & leurs ministres, sur les urines & les immondices[2].

Les autres portoient, suivant Pline & Dion Cassius, sur les mariages, sur les sépultures, sur les cheminées, même sur chaque tuile de maison de ville ou de campagne[3].

Caligula condamna les filles publiques à payer chaque jour au fisc autant qu’elles recevoient en une fois. Il taxa les porte-faix au huitième de leurs journées ; il s’attribua le quarantième des sommes ou de la valeur des biens pour lesquels on plaidoit, & fit défense de s’accommoder sans payer ce droit.

Ce monstre d’avarice & de débauche eut la malignité de ne point faire afficher ses édits, afin qu’il y eût un plus grand nombre de contraventions & de confiscations à son profit.

Cependant, lorsque le peuple l’eut pressé, par ses murmures, de les publier, il les fit graver en caracteres si fins, qu’il n’étoit presque pas possible de les lire.

Les peuples ne furent pas plus heureux après la translation de l’empire dans l’Orient. On vit des souverains mettre des impôts sur l’air & les élémens. Saint Chrysostôme s’en plaint, en disant : on nous vend les élémens ; les chemins sont tributaires, & l’air est vénal ; non tantùm pro solo, sed & pro cœlo.

Les mines formoient aussi une branche

  1. C’étoit l’objet principal du luxe chez les Romains. Strabon rapporte, lib. 4, qu’on a vendu à Delus en Cilicie, jusqu’à dix mille esclaves qui étoient destinés pour Rome. L’histoire fait mention d’un sénateur qui avoit quatre cents esclaves habitans avec lui : qu’ayant été assassiné par quelques-uns d’eux, tous sans exception furent mis à mort. Tacit. annal. lib. 14. cap. 43
  2. On a accusé d’exagération & de ridicule ceux qui ont rapporté que Vespasien avoit mis un impôt sur les urines ; un écrivain de notre tems a prétendu qu’il avoit lieu sur la teinture d’orseille, plante que l’on fait macérer dans l’urine… Constantin Manafsès dit expressément que cet impôt fut supprimé par l’empereur Anastase. « Chrysargirum fustulit quod erat ut omnes viri, fœminæ, pueri, servi liberi, argentum, nomine stercoris, & urinæ fisco darent. » Voyez de l’impôt du vingtième chez les Romains.
  3. Cet impôt étoit de six sils (sex asses) pour chaque tuile, & ne fut établi que sur les sénateurs, par Octavius.