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DISCOURS

Dans le même tems où les douanes de l’Italie étoient fermées, Q. Mucius Scevola, proconsul ou gouverneur de Pergame, punit rigoureusement les chevaliers Romains qui s’étoient rendus coupables d’extorsions dans la perception des revenus de la république dont ils étoient les fermies. Il en condamna plusieurs à la prison, & fit mettre en croix un esclave qui avoit été le complice de son maître[1].

Il établit aussi des inspecteurs d’une probité reconnue & très-versés dans les affaires de finance, pour examiner les livres des Publicains, & parvint en moins de neuf mois à réformer tous les abus qui s’étoient introduits dans les taxes & dans la manutention des finances de son proconsulat.

A juger de ces abus par l’étendue & les effets de la reconnoissance des habitans de Pergame, il falloit qu’ils fussent bien oppressifs, puisqu’ils consacrerent la mémoire du gouverneur qui les en avoit délivrés, en instituant en son honneur une fête à laquelle ils donnerent le nom de Mucia. Monument qui prouve combien la justice a d’empire sur le cœur des peuples, & plus glorieux pour Mucius, que l’éclat passager d’un jour de triomphe.

Plusieurs autres gouverneurs de province suivirent l’exemple de Mucius Scevola, & le sénat chargea les consuls & les préteurs de porter également leur vigilance sur la levée des deniers publics ; en sorte, disent les historiens, que les vexations des fermiers qui avoient rendu le joug de la république insupportable, furent arrêtées du moins pour quelque tems.

La suppression des douanes en Italie ne dura qu’environ cinquante ans, c’est-à-dire, jusqu’à la dictature de Jules César, qui les rétablit au rapport de Suétone[2].

Auguste, son héritier, trouvant le trésor public épuisé par les guerres civiles, & insuffisant, malgré ces nouveaux revenus, pour payer la solde des troupes, fonda une caisse militaire. A son entretien, il affecta le produit du vingtième qu’il imposa sur les successions, les legs, & toute espèce de donation à cause de mort[3].

On rapporte à ce sujet que, mécontent de ce que le sénat différoit d’approuver l’établissement de ce vingtième, qui étoit annoncé depuis quelques années, il usa de l’adresse suivante.

Cet empereur déclara qu’il alloit mettre encore une taxe sur toutes les terres & les maisons, sans dire quelle seroit sa quotité, ni la forme de sa levée. Il envoya en même tems des émissaires en différens endroits, pour dresser des rôles de toutes les propriétés ; chaque sénateur craignant, d’après ces préliminaires, d’être plus chargé par cette nouvelle imposition, que par le vingtième des successions, opina pour ce dernier. Il fut établi comme l’empereur l’avoit proposé. C’est à ce même empereur que paroît remonter l’origine de la taille & de la capitation[4], qui se sont perpétuées jusqu’à nous ; mais il leur donna une base plus certaine qu’auparavant, en faisant faire avec soin ce dénombrement dont parle l’évangile[5]. On prétend que c’est sur ce travail qu’il composa & écrivit de sa propre main le rationarum ou breviarium imperii.

Les successeurs d’Auguste accrurent & multiplierent les impôts, ou plutôt les exactions, suivant leur caractère de sagesse ou d’avarice.

Néron, à son avénement au trône des Césars, témoigna le desir de supprimer les droits de douane, qui sans doute donnoient un produit considérable ; mais il se

  1. Histoire universelle, traduite de l’anglois, in-4. tom. 8, pag. 608.
  2. Peregrinarum mercium portoria instituit, in Julio Cæsara, caput 43.
  3. Dion Cassius, lib. 55, pag. 565, édition de 1606.
  4. Tributa ordinaria instituit alia, in agros, alia in capita, dit Suétone.
  5. S. Luc. Exiit editum à Cæsare Augusto, ut describeretur universus orbis.