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BAL

La justesse de ce raisonnement es fortifiée par l’opinion d’un homme d’état, dont les grandes vues lui ont acquis autant de vénération, que de regrets. « Il ne faut pas croire que les agens chargés de fournir des matieres d’or & d’argent pour être fabriquées, puissent servir à faire entrer ces métaux dans le royaume. L’or & l’argent n’y arrivent que par la puissance du commerce national avec l’étranger, & par le résultat des échanges ».

Quand la France a vendu aux autres nations plus de marchandises qu’elle n’en a acheté d’elles, ce compte se balance nécessairement avec de l’argent. Ainsi les plus riches financiers, les banquiers les plus habiles ne peuvent pas plus augmenter l’importation de l’or & de l’argent en France, qu’ils ne peuvent la diminuer. Ils influent moins à cet égard, que le plus petit fabriquant de Lodêve ou de Louvier, qui parvient, par son industrie, à augmenter, d’une balle de drap, le commerce du royaume avec l’étranger.

On voit par tout ce qui vient d’être dit, qu’il existe, sinon de l’impossibilité, au moins de très-grandes difficultés à former une balance exacte du commerce, & que dès-lors celles qui se font, méritent en général peu de confiance. Cependant toutes les nations de l’Europe s’occupent de cette balance, sur laquelle on n’a commencé à ouvrir les yeux, que vers la fin du siècle dernier, après avoir reconnu que le commerce étoit la base de la prépondérance des nations. Dès-lors, tous les gouvernemens ont recherché les moyens d’aggrandir le leur. La connoissance de ses résultats a paru dévoiler le secret de conduire, de fortifier & d’étendre chaque branche de commerce d’exportation, & apprendre l’art de gêner, d’élaguer & de détourner les branches du commerce d’importation.

Si les choses exportées excedent celles qui sont importées, on en conclud que l’état gagne, & que cet excédent est ajouté à la richesse publique. Dans le cas contraire, c’est une perte, & il faut bien examiner comment elle peut se réparer.

Sous cet aspect, quand la balance du commerce ne serviroit qu’à présenter, par aproximation même incertaine, les résultats du commerce extérieur d’un peuple, il seroit toujours avantageux au gouvernement, de s’occuper de cette opération & de la rendre publique chaque année. Les négocians éclairés seroient à portée de donner des avis utiles, pour faire pancher la balance en faveur de l’état, & de diriger leurs spéculations en conséquence.

Il est probable que c’est le but que se propose le gouvernement anglois, qui entend si bien les intérêts de son commerce, parce qu’il est composé du concours de tous les esprits, de tous les yeux & de tous les intérêts des sujets. Tous les ans, les bureaux de comptabilité des douannes, présentent à la chambre des communes, un état général des marchandises entrées & sortie ; cet état rendu public, aussi-tôt devient la matiere des réflexions & des pétitions de toutes les personnes versées dans la science du commerce.

Un membre du Parlement qui a publié, en 1776, un vol. in-fol. (cet ouvrage a été traduit en françois, en 1777, sous le titre de Commerce de la Grande Bretagne, & tableau de ses importations & exportations par le chevalier Withworch) remplit des tableaux du commerce universel & progressif de sa nation, depuis 1698 jusqu’en 1773, fait les réflexions suivantes dans sa préface.

Quiconque s’imagineroit que la balance de l’argent donne seule la vraie balance du commerce, se tromperoit lourdement.

Il y a deux sortes de balances du commerce ; celle de l’argent & celle de l’industrie : la balance de l’argent pourroit être en notre faveur, quoique celle du commerce fût en général contre nous. C’est ce qui arriveroit, si nous commercions avec un pays d’où nous tirerions des matieres travaillées, ou des articles, qui n’étant pas de premiere nécessité, ne seroient pas susceptibles du travail de notre industrie, & auquel nous enverrions des matieres premieres de notre crû, ou du produit des pays étrangers. L’Espagne s’est ruinée par son commerce avec ses établissemens dans les deux Indes ; la balance de l’industrie étant totalement contre elle.

D’un autre côté, il peut se faire que la balance de l’argent soit contre nous, & que cependant, celle du commerce nous soit favorable. C’est ce qui arriveroit en n’envoyant dans unpays, que des choses produits ou manufacturées dans le nôtre, & qui nous fourniroit des matieres crues ou des choses d’une nécessité indispensable ; alors, la balance de l’industrie seroit en notre faveur ; tel est l’état de notre commerce avec la Russie.

M. Whitworch pose ensuite les maximes suivantes : Si les retours après l’exportation de nos manufactures, consistent en matieres premieres, propres aux fabriques, ce commerce est doublement avantageux.

Le commerce d’échanges de manufactures contre manufactures, de denrées contre denrées, ne peut pas être regardé comme désavantageux.

L’échange de denrées pour denrées, deviendroit infiniment utile, si celles d’importation pouvoient être réexportées. Un semblable échange nous procureroit un fonds pour l’achat d’autres productions de premiere nécessité ; il créeroit un fonds pour entretenir un corps de matelots, & une école pour les former ; il acquitteroit en même-tems la dépense de l’augmentation de notre marine. Lorsque la Hollande faisoit, elle seule, le commerce du sud au nord de l’Europe, les vins qu’elle achetoit en France, lui servoient de fonds pour acheter les denrées du nord.