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liaison extérieure de leurs produits, n’a pas plus été apperçue, que la cause si simple qui l’opéroit.

Si, lorsque nous avons déja eu l’occasion de parler de l’homme d’état, qui a présidé à la confection du bail des fermes, nous nous sommes livrés à des sentimens de respect & d’admiration pour sa personne & pour ses vues ; c’est que nous les avons dans le cœur, & qu’ils sont la suite de notre maniere de voir & de sentir. Mais nous avons cru pouvoir ici, sans y déroger, nous permettre des observations sur l’avantage de mettre dans une même main, la régie des gabelles, & la régie des aides : par la raison même, que cette derniere étant sujette à des révolutions susceptibles de grands écarts, la ferme qui les comprend toutes deux, doit se trouver toujours balancée, & remise en équilibre par l’une ou l’autre des ces parties.

Voyez Adjudicataire, Domaines, Régie générale.



BALANCE DU COMMERCE. C’est le résultat des importations & des exportations comparées ensemble. On n’en parle ici que parce que ce résultat est une opération de finance, qui s’exécute par le relevé des registres des douannes, dans lesquels on trouve le détail des marchandises entrées & sorties, & qui s’évaluent ensuite en argent. Ils fournissent aussi la connoissance du nombre des bâtimens de mer étrangers & nationnaux entrés dans les ports, & qui en sont sortis, avec celle de leur contenance ; des lieux de leur arrivée, & de leur destination.

La fin de cette balance est d’éclairer un état sur son commerce extérieur, & de lui procurer autant qu’il peut être possible, les moyens de vendre beaucoup aux étrangers & d’en acheter peu, ou pour parler en termes plus clairs, de s’approprier une partie de leur argent.

Nombre d’écrivains économiques ont exercé leur plume sur la balance du commerce, & tous paroissent n’avoir pas une grande opinion de son utilité.

MM. Mun, Melon, Nickolz & Hume, pensent, avec raison, que l’argent est toujours dans une quantité proportionnelle au travail & à l’activité d’une nation ; qu’il en est, à cet égard, de l’argent comme d’un fluide qui tend sans cesse à prendre son niveau ; ensorte que dans l’état où l’on trouve des jouissances, des commodités & de l’industrie, au double, au triple ou au quadruple de ce qu’elles sont dans un autre état, la masse d’argent y est infailliblement double, triple & quadruple.

Parmi les nations qui entendent le mieux la balance du commerce, dit M. Hume, (Discours politique, tome premier, page 201, édit. in-12, 1754.) une forte jalousie, à l’égard, de l’argent y prévaut encore, elles craignent que cet argent ne les quitte. Cette crainte cependant paroît entiérement dépourvue de fondement dans presque tous les cas. J’appréhenderois aussi-tôt, de voir tarir toutes nos sources & nos rivieres, que de voir l’argent abandonner un royaume où il y a des hommes & de l’industrie. Conservons soigneusement ces derniers avantages, & nous n’aurons jamais à craindre de perdre le premier.

Il est aisé de remarquer que tous les calculs touchant la balance du commerce sont fondés sur des suppositions, & sur des faits incertains. On convient que les registres des douannes sont une base insuffisante. Le prix du change n’est guere meilleur, à moins que de le comparer avec celui de toutes les nations, & de connoître aussi les proportions des différentes sommes remises ; ce que l’on peut assurer hardiment, être impossible.

M. Melon avoit dit avant M. Hume (Essai politique sur le commerce) que pour établir une balance exacte du commerce, il falloit joindre à l’état des choses importées & exportées, un examen du change : non d’un change momentané de quelques jours, mais la totalité des changes d’une année ; opération à-peu-près impossible ou du moins dont le résultat n’offriroit rien de certain, à cause des relations intermédiaires qui peuvent se trouver entre deux places de commerce.

L’auteur de l’ordre essentiel & politique des sociétés, va plus loin : il traite tout systême de balance du commerce, de chimere. Il expose avec force les inconvéniens de cette prétention : de vouloir beaucoup vendre, & acheter peu. Il démontre, qu’en supposant tout l’argent de plusieurs nations rassemblé en une seule, il en résulteroit un renchérissement dans la main-d’œuvre : ce qui opéreroit l’apauvrissement des propriétaires fonciers, du souverain, des cultivateurs, & diminueraoit la masse des productions territoriales, tandis que la classe industrieuse, après s’être enrichie, iroit porter sa fortune en pays étranger.

D’un autre côté, si cette nation renchérissoit, comme elle y seroit obligée, ses productions & les ouvrages de l’industrie, l’étranger, loin d’en acheter, lui vendroit les siens ou ceux de ses voisins. En vain elle chercheroit à les écarter par des prohibitions, il les introduiroit clandestinement, & il enleveroit ainsi, une partie d’argent qui seroit perdue pour la classe productive.

Cet écrivain, allant ensuite au-devant de l’objection, que comme la masse d’argent va toujours croissant d’année en année dans notre continent, la balance du commerce peut servir à s’approprier une bonne portion de cet accroissement ; il répond que cette balance est inutile ; que le bénéfice est un effet naturel & nécessaire de la liberté du commerce ; qu’enfin cet accroissement si desiré d’argent, s’opere de lui-même, quand on ne fait rien pour l’empêcher ; attendu que c’est par la liberté que se multiplient les valeurs qui doivent être échangées contre l’argent.