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La principauté d’Orange étant absolument renfermée dans le Comtat, elle en subiroit nécessairement le sort, & ne pourroit plus exporter directement à l’étranger, en franchise, les draperies & étoffes de ses fabriques, afin de prévenir tout abus, facile par l’intelligence des Comtadins avec les fabriquans d’Orange : à moins qu’il ne parût plus simple de ne rien changer à ce qui se pratique actuellement.

C’est ici le lieu d’observer que les droits de douanne de Lyon, dûs, comme on l’a vu, sur tout ce qui passe dans le royaume, du Comtat d’Avignon & de la principauté d’Orange, qui commercent librement ensemble, d’après d’anciens traités passés avec les princes d’Orange, se perçoivent, suivent un tarif d’usage, moins fort que celui qui a lieu à l’entrée du royaume & à Lyon, sur les marchandises étrangeres ; mais quelque espece que ce soit, portée du Comtat à Lyon, y paie les droits de douanne, comme toute marchandise venue du pays étranger. Autre bizarrerie qui, pour être ancienne, n’en est pas moins absurde, & qui peut bien avoir engendré les incertitudes & les inconséquences qui ont été remarquées. Comment réunie à la fois deux qualités opposées ? Être à la fois naturel & étranger ! Le Comtat, déclaré régnicole de Provence, devroit communiquer, comme cette province, avec le Languedoc & le Dauphiné, sans payer les droits de douanne de Lyon. Au contraire, il est traité comme étranger par-tout, même dans le province où il est naturalisé.

Il y a apparence que le paiement des droits de douanne de Lyon, ordonné sur les soies & étoffes de soie, obligées de passer à Lyon, suivant les anciennes ordonnances, toutes rendues à dessein de favoriser les fabriques & le commerce de cette ville, a été ensuite étendu à toute espece de marchandises, en conséquence des réglemens de 1611. Du moins cette probabilité s’accorde très-bien avec l’origine du tarif d’usage, qui est placée en l’année 1612.

Henri IV avoit ordonné, par lettres-patentes du mois de décembre 1605, contre les dispositions de celles du mois d’août 1599, que toute marchandise manufacturée à Avignon, ne pourroit entrer dans le royaume, qu’après avoir été portée à Lyon, & y avoir acquitté les droits de douanne. Les Comtadins n’avoient pas encore subi cette loi en 1611, & réclamoient sans cesse contre son exécution, en invoquant la loi de 1599, Louis XIII, par ses lettres-patentes du mois de mars 1611, confirmoit cette derniere, par laquelle Henri IV avoit permis aux habitans d’Avignon, de vendre leurs étoffes de soie dans le royaume, en ne payant que les mêmes droits que ses propres sujets, sous la condition de n’y employer que des soies prises à Lyon, & que ces étoffes y seroient marquées, avant que d’être débitées dans le royaume. La déclaration du mois de septembre, de cette même année 1611, vint ensuite prononcer, que ces habitans seroient assujettis au paiement des droits de douanne, nonobstant tout privilège, sur tout ce qu’ils apporteroient dans le royaume. Il fallut bien prendre des précautions propres à assurer ce paiement.

Dans cette vue, & pour faire cesser toute contestation à ce sujet, Urbain de la Motte, fermer de ces droits, passa, avec les consuls & députés de la ville d’Avignon, le 28 février 1612, une transaction par laquelle les droits furent réglés sur les étoffes de soie, à la même quotité que celle que payoient les étoffes des fabriques de Tours, à la charge que ces droits seroient perçus, dans Avignon, par un commis du fermer, après qu’il auroit marqué ces étoffes, lesquelles le seroient préalablement de la marque du pape, & de celle d’Avignon.

Un arrêt de la cour des aides de Montpellier, ayant enjoint, en 1643; à Toussaint la Ruelle, adjudicataire de la douanne de Lyon, de produire les titres de la perception qu’il faisoit à Avignon, sur les étoffes portées du Comtat dans les provinces voisines, il intervint, le 16 septembre de la même année, un arrêt du conseil, qui ordonna que les droits de la douanne de Lyon, seroient payés sur les soies, denrées & autres marchandises quelconques, apportées d’Avignon, du Comtat & principauté d’Orange, dans les provinces de Languedoc, Provence & Dauphiné, par toute sorte de personnes.

Et comme la convention de 1612, abrogée en 1632, par le nouveau tarif de la douanne de Lyon, pour les étoffes de soie, qui s’y trouvent traitées comme étrangeres, subsistoit toujours pour les autres denrées & marchandises qui, sans doute, y avoient été comprises, elle reçut une nouvelle extension après l’arrêt de 1643, & de-là s’est formé le tarif d’usage d’Avignon.

Ce tarif a, dans la suite, été approuvé, notamment par les arrêts & lettres-patentes du 18 juillet 1724, enrégistrées à la cour des comptes & aides de Provence, le 26 août de la même année.

Ce tarif paroît n’avoir ni base déterminée, ni quotité proportionnée à celle du tarif de la douanne de Lyon : plusieurs articles sont les mêmes ; d’autres sont plus foibles d’un tiers ou d’un quart ; mais en général, les marchandises de la classe des drogueries, paroissent n’avoir éprouvé aucune réduction de droits.

Les finances du Comtat d’Avignon, c’est-à-dire, le revenu que le pape en retire, ne consiste qu’en terres domaniales, & droits casuels de censives, &c. & dans le prix du bail passé avec les fermiers-généraux, pour le privilège exclusif de la vente du sel & du tabac, ce qui forme un produit d’environ trois cents mille livres.