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La preuve de la condition de ces habitans à cet égard, se tire de l’accommodement passé le 15 août 1688, entre le député de la ferme générale, & les habitans du Comtat, en présence de M. Daguesseau, conseiller d’état & commissaire du roi.

Il faut observer ici, que le Comtat d’Avignon est divisé en deux parties, dont l’une appelée Bas-Comtat, est enclavée dans la Provence, & l’autre désignée par le nom de Haut-Comtat, est renfermée dans le Dauphiné ; en sorte que ces deux districts ne peuvent communiquer ensemble, qu’en empruntant le passage sur une langue de terre qui est Dauphiné.

Cette position fut le motif de l’accommodement dont il s’agit.

On voit, que par l’article premier les comtadins sont affranchis de la foraine pour toutes les denrées & marchandises qu’ils font passer d’un district du Comtat dans l’autre, ou en Provence, ou qu’ils tirent de cette province, en empruntant les terres du Dauphiné ; que les articles 2, 4 & 5 les assujettissent, dans ce cas, à la simple douanne de Valence, & les dispensent du paiement des droits de douanne de Lyon ; mais que ces derniers droits sont dûs sur les denrées & marchandises passans du Comtat en Provence & Languedoc, & non sur celles qui entrent en Dauphiné pour y être consommées ; & qui alors sont sujettes à la foraine & à la douanne de Valence ; étant expliqué que la douanne de Lyon ne sera payée sur ces dernieres que lorsqu’elles iront du Comtat à l’étranger par le Dauphiné.

La confirmation des immunités d’Avignon & du Comtat, accordée par les lettres-patentes du mois de mars 1716, n’y a rien changé, & la convention de 1688 n’a pas cessé d’avoir son effet jusqu’en 1727.

Les communautés du Haut-Comtat, instruites par l’expérience, qu’un commerce libre avec le Dauphiné leur seroit plus avantageux que celui qu’ils faisoient avec le Bas-Comtat & la Provence, en payant la douanne de Valence & la foraine, à cause de l’emprunt de passage en Dauphiné, proposerent à Pierre Carlier, alors adjudicataire des fermes générales, un abonnement au moyen duquel ils commerceroient avec le Dauphiné, sans payer aucun droits, & il fut accepté.

Ces habitans renoncerent en même tems à toute convention antérieure, notamment au bénéfice de l’accommodement passé en 1688, & demeurerent ainsi incorporés au Dauphiné quant aux droits des fermes ; se soumettant même à la jurisdiction des traites de Montelimart, pour les difficultés qui pourroient naître sur l’exécution de leur abonnement ; & consentant de payer la foraine sur les marchandises & denrées apportées chez eux du Bas-Comtat, de la même maniere qu’elle est dûe sur celles qui vont de Provence en Dauphiné, avec lequel le Haut-Comtat devenoit identique.

L’interdiction du commerce du royaume avec le Comtat d’Avignon, prononcée par les arrêts des 10 juin & 30 octobre 1731, ne changea rien à ces arrangemens. L’année suivante, le réglement du 29 janvier 1732 ayant expressément ordonné que les droits de traite, foraine & domaniale seroient perçus sur toutes les marchandises, denrées & bestiaux qui sortiroient du royaume pour tout pays qui ne seroit pas de la domination du roi, nonobstant toute exemption, immunité & possession à ce contraires ; ces dispositions durent exécutées à l’égard du Comtat dans sa communication avec la Provence & le Languedoc ; mais le Haut-Comtat restoit toujours Dauphiné, & les droits étoient représentés par son abonnement.

Les différens élevés entre la cour de Rome & celle de Versailles, & dont l’interruption du commerce avec le Comtat, avoit été la suite, furent arrangés au commencement de 1734. Il s’ensuivit un concordat du 11 mars de la même année, par lequel les Comtadins furent rétablis dans tous les privilèges dont ils avoient joui avant 1731 ; c’est-à-dire, qu’ils rentrerent dans les immunités attachées à la qualité de régnicoles de Provence, qui les affranchissoit des droits de sortie dûs sur les marchandises passant de cette province dans le Bas-Comtat.

Indépendamment de cette faveur, qui n’étoit que renouvellée, l’arrêt du 16 mars, conséquent au concordat, y en ajouta une autre que les Comtadins n’avoient jamais obtenue. Ce fut la liberté d’emprunter les terres de France sans payer aucuns droits pour communiquer d’un district du Comtat en l’autre. Cet arrêt approuva en même tems la liberté de commerce établie entre le Haut-Comtat & le Dauphiné, par l’abonnement passé avec la ferme générale ; ensorte que cette double communication a presque anéanti la perception des droits dûs, dans le commerce de la Provence avec le Dauphiné, ou du moins a procuré une grande facilité pour l’éluder.

La Provence envoie dans le Bas-Comtat en exemption de droits, à cause de la qualité de régnicole : le Bas-Comtat expédie de même, pour le Haut, en vertu du transit permis par l’arrêt de 1734 ; & le Haut-Comtat commerce avec le Dauphiné en franchise, d’après son abonnement, qu’il s’est empressé de renouveller le 30 avril de cette même année 1734.

C’est donc d’après ces différentes autorités qu’il faut établir la condition actuelle du Comtat, à laquelle sa réunion momentanée à la couronne, depuis 1768 jusqu’en 1773, n’a pas plus apporté de modification que les lettres-patentes du mois de décembre 1774, lesquelles confirment purement & simplement celles de 1643 & de 1716.

Une remarque importante à faire sur ce pays, c’est que sa position le soumet forcément à toutes