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AID — AIG

Le citoyen ou l’aubergiste n’a rien à dire, quoique j’aie d’ailleurs affaire à lui lors de l’achat & du débit, puisque ce n’est pas de la même maniere. Si ce sont des comestibles, j’ai mes agens non-seulement aux portes, mais aux boucheries, dans les marchés aux poissons. Nul n’essaieroit à me voler sans risquer plus que son vol ne lui rendroit. Vous voyez donc que quiconque habite les villes, soit qu’on y subsiste de son industrie, soit qu’on y emploie son revenu, ou une partie de son lucre à salarier un homme industrieux, personne ne peut consommer sans payer, & plus sur les choses usuelles & indispensables que sur les autres.


D’après ce qui a été dis des aides, on conçoit qu’elles forment par leur consistance une imposition ramifiée à l’infini, & dont les branches couvrent toute une province ; que pour en assurer la perception & en faire le recouvrement, elle exige une quantité prodigieuse de surveillans & d’agens, qui, par leurs privilèges, deviennent une charge pour les autres sujets de l’état.

On compte environ trois mille employés dans les aides, non compris trois ou quatre mille buralistes proposés à l’expédition des congés, & qui la plupart du tems ne sont payés que par des immunités & une médiocre remise sur le produit de leur recette.

Dans une régie intéressée à connoître au juste ce que rapportent les vignes d’une province, à y suivre la fabrication des vins, leur déchet, leur simple déplacement de cellier, leur consommation, leur changement de paroisse ou leur exportation au dehors de la province ; dans une régie obligée de mesurer & connoître journellement la vente momentanée d’un cabaretier, pour lui ôter tout moyen de remplacer ce qu’il a débité, on doit nécessairement mettre en procédés, en vigilance & en activité ce qu’une autre régie mettroit en étude & en méditation. Aussi n’est-il point de partie des revenus du roi, où les formes du régime intérieur soient aussi simples & aussi multipliées ; où les devoirs des agens soient plus rigoureux & sentent plus l’esclavage. Et comme les fonctions de ces agens tendent sans cesse à gêner la liberté de tous les citoyens, qu’elles ne s’exercent le plus communément que dans des lieux obscurs & souterrains, chez des gens de la classe du peuple ; leurs personnes ne sont regardées en général qu’avec haîne & dédain, & souvent exposées à des avanies.

La régie des aides a donc eu à prémunir ses préposés contre cette sorte d’avilissement, effet d’un préjugé injuste sans doute, mais néanmoins réel : par le spectacle des hommes parvenus à de grandes places des finances, après avoir commencé dans les emplois des aides, qu’on prétend inculquer cet esprit d’ordre & de suite, qui est l’aptitude aux affaires. Pour cela, cette régie fait d’abord le choix de ses employés, dans une classe mitoyenne où l’éducation & l’honneur peuvent donner quelque élévation dans les sentimens avec l’ambition de parvenir. Ensuite elle soutient leur courage & leur patience, elle excite leur zele & leur exactitude par la perspective du relâchement des chaînes qu’on trouve à l’entrée de cette carriere. Elle compense la modicité des salaires qu’elle accorde, par l’espérance d’une gradation successive, mais rapide & avantageuse. Ces différens objets sont remplis d’une maniere si supérieure, que cette régie a servi de modele à toutes les autres manutentions.

Aussi, comme nous l’avons observé ci-devant, il a fallu, pour porter le régime des aides au point de perfection où il est actuellement, beaucoup plus de combinaisons & de soins que n’en eût demandé la réforme de ces droits, ou la découverte d’une autre genre d’imposition.

Le produit général des aides étoit évalué en 1726, suivant le bail passé à Carlier le 19 août 1726, à trente-deux millions, y compris le produit de la marque des fers & des entrées de Paris ; le marc d’argent étant alors, d’après l’arrêt du conseil du 15 juin, à quarante-six liv. dix-huit f. le marc.

Les droits d’aides sont actuellement en régie pour le compte du roi. On en trouve les raisons dans son arrêt de réglement du 9 janvier 1780. Sa majesté a remarqué que les aides ne pouvoient être données à bail qu’avec désavantage pour les finances, parce que leur produit étant susceptible de variations importantes, en raison de l’intempérie des saisons ; des fermiers ne pouvoient garantir ces événemens, qu’à l’aide d’une latitude dans le prix du bail, proportionnée à leurs risques, ensorte que le roi payoit une prise d’assurance considérable.

A cet effet ils ont été distraits de la ferme générale pour être joints à plusieurs autres, & composer la régie générale. Les aides des provinces ont été évaluées à vingt-un millions 743620 liv. produit brut, ou dix-huit millions 11607 liv. produit net ; de sorte que les frais de régie sont de trois millions 732614 livres.

Voyez Bail, Ferme, Régie générale.

AIGUEMORTES, petite ville en Languedoc, près la méditerannée, qui jouit de plusieurs privilèges au droit de gabelle.

Le titre de ces privilèges remonte à des lettres-patentes accordées en 1540 aux habitans de la ville d’Aiguesmortes. Il leur permet de tirer des salins de Peccais, sans payer aucun droit de gabelle, trente gros muids de sel pour l’usage & consommation des habitans, & pour la salaison des poissons de leur pêche.

Un receveur nommé par la communauté, délivre les quantités de sels que chaque habitant va lever au magasin de la communauté. Il y réside un contrôleur établi par l’adjudicataire des fermes, qui a une clef du magasin, & qui doit assister à la distribution du sel, pour enrégistrer les quantités délivrées sur les billets qui lui sont réprésentés.