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AID

AIDES, s. f. Vers le commencement de la troisieme race de nos rois, on entendoit par le mot d’aide, un secours d’hommes armés, qui étoient entretenus par la ville ou la province à laquelle le monarque le demandoit, ou une somme d’argent qui en tenoit lieu, & qui se payoit dans des circonstances particulieres.

Le service militaire qui formoit l’obligation la plus essentielle d’un vassal envers son suzerain, étoit quelquefois converti en argent ; il s’appeloit aussi aide auxiliaire, ou subvention.

On voit par deux mandemens de Philippe le Bel, de 1308, & 1313, que ce souverain ordonna la levée de l’aide qui lui étoit dûe, pour le mariage de sa fille Isabelle avec le roi d’Angleterre, & pour raison de la chevalerie qu’il avoit conférée à son fils.

Des lettres-patentes de ce fils, devenu son successeur, sous le nom de Louis Hutin, du 2 juillet 1315, portent que les Italiens paieront cent sols de chaque cent de marchandises qu’ils vendront dans le royaume, au moyen de quoi ils seront exempts de toute autre aide, subvention & redevance.

Il existoit en effet des aides particulieres qui s’accordoient chaque année. On en trouve une établie à Paris par lettres-patentes du 17 février 1349, & prolongée au mois de mars 1351.

Chaque bailliage avoit ses assemblées, dans lesquelles on délibéroit sur l’aide annuelle qu’on devoit accorder.

On voit une aide de six deniers pour livre, successivement imposée dans les bailliages d’Amiens, de Beauvoisis & Vermandois, de Senlis, par les ordonnances de juin 1351, août 1352, & juin 1354.

L’aide générale de douze deniers pour livre, & dont nos aides actuelles sont une génération, ne fut établie qu’en 1360, après l’assemblée des états généraux de la nation. C’étoit dans son origine, marquée par la malheureuse journée de Poitiers, une taxe d’un sol pour livre de la valeur de toutes marchandises & denrées vendues soit en gros, soit en détail, d’un cinquieme de la valeur du sel, & du treizieme sur le vin & les autres boissons. Aussi Ducange observe qu’on doit distinguer les aides légitimes & coutumieres usitées depuis long-tems, des aides extraordinaires & gracieuses qui étoient demandées dans des besoins pressans, ou accordées volontairement à titre de secours.

Aujourd’hui le mot d’aides ne signifie plus que l’impôt établi sur le vin & les vendanges, sur l’eau-de-vie, le cidre, le poiré, la biere & toutes les liqueurs dans la composition desquelles entre l’une de celles qu’on vient de nommer.

Plusieurs provinces n’avoient pas voulu se soumettre à l’aide générale de 1360 ; le Roi Jean, pour s’indemniser de ce refus, ordonna qu’elles seroient traitées comme les pays étrangers ; c’est-à-dire que le sol pour livre de la valeur, créé la même année 1360, sous le nom d’imposition foraine, seroit exigé à la sortie des denrées & marchandises qui seroient envoyées dans ces provinces, par celles où l’aide avoit lieu. De là vint la distinction des provinces sujettes aux aides, de celles qui ne l’étoient pas. Cette distinction s’applique de même à d’autres provinces qui, après avoir reçu l’aide, s’abonnerent pour une somme annuelle, ou s’en racheterent entiérement par un seul paiement.

D’anciens écrivains, tels que Ducrot dans son Traité des Aides, Tailles & Gabelles, imprimé en 1633, in-12 ; Desmaisons, dans un semblable ouvrage, de 1666, avancent, il est vrai, sans autre autorité, que leur opinion, que l’aide de douze deniers a été substituée à la dîme que nos rois étoient, dès le commencement de la monarchie, dans l’usage de lever sur le peuple lorsqu’ils avoient des besoins extraordinaires. L’un & l’autre donnent comme une faveur du souverain cette réduction du droit de dîme à un sol pour livre, & prétendent que l’aide est sous ce point de vue le plus légitime, le plus juste & le plus agréable de tous les impôts. Le tems où ils écrivoient doit leur faire pardonner la fausseté & l’absurdité de ce raisonnement.

Plus d’un siecle après l’établissement de l’aide générale, Louis XI y apporta quelque changement. Ses édits du mois d’août 1465, & sa déclaration de 1467 suppriment le sol pour livre sur toutes les marchandises, à l’exception du vin, du poisson, du bétail, des draps, & de la bûche. Cependant cette perception subsistoit encore en partie deux siecles après cet arrangement. L’édit du mois de novembre 1668 en fixa définitivement l’objet, en ordonnant qu’elle n’auroit plus lieu que sur les boissons, le poisson de mer, frais, sec, & salé ; le bétail à pied fourché, & le bois ; ce qui forme les quatre especes réservées.

Les aides, telles qu’elles subsistent actuellement, ne se levent que dans le ressort de la cour des aides de Paris & de Rouen, & se distinguent en droits d’entrée & droits de détail.

Elles font l’objet d’une ferme du roi, à laquelle on a réuni beaucoup d’autres droits, à cause de l’analogie qui se trouvoit dans la forme de leur perception. Voyez Régie générale.

Il est encore d’autres droit qui sont à proprement parler des droits d’aides, & portent de même sur les boissons de toute espece ; mais ils appartiennent à des provinces qui les donnent à ferme pour leur compte. On les connoît sous la dénomination de devoirs en Bretagne, & d’équivalent en Languedoc. Le droit de masphening, en Alsace, est aussi de même nature. Voyez cet mots.

Il ne reste qu’à voir en quoi consistent ces droits d’aides, & dans quelles généralités ou élections ils ont cours.

Dans la généralité d’Alençon, ce sont les anciens & nouveaux cinq sols, la subvention à l’entrée ; au détail, le quatrieme & la subvention.