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la même somme d’imposition que votre majesté en retire ; & rien ne seroit plus juste, puisqu’en promettant aux propriétaires de modifier & d’améliorer la répartition & la perception, ce seroit leur procurer les moyens de payer plus facilement.

Quant aux augmentations futures, je dirai d’abord avec peine, mais avec vérité, que le premier obstacle à ces augmentations viendra de l’était même des contribuables. Les sujets de votre majesté, animés par leur zele & par leur amour, seront peut-être encore capables de quelques efforts momentanés au milieu de la guerre ; mais le ministre qui pendant la paix occuperoit votre majesté des moyens d’augmenter ses revenus autrement que par l’ordre & l’économie & une meilleure administration, seroit à jamais indigne de la confiance de votre majesté & de l’estime publique ; il trahiroit son devoir, s’il n’étoit pas uniquement occupé de préparer au cœur bienfaisant de votre majesté les moyens de soulager les peuples, & s’il lui cachoit que la plus nombreuse partie de ses sujets en a le plus pressant besoin.

Mais, pour ôter même aux défenseurs de la forme actuelle d’administration, l’avantage qu’ils voudroient tirer de l’intérêt fixe, mis en opposition au bonheur des peuples, il suffira de rappeler qu’entre toutes les ressources du trésor royal, la plus sûre sans doute est l’égalité proportionnelle des impositions, puisque c’est la plus intelligente maniere d’adoucir le fardeau commun & de se ménager le pouvoir de l’augmenter. Mais dans la forme actuelle d’administration, cette égalité est presqu’impossible à établir ; & jusqu’à présent à cet égard on a bien plus fait de tentatives que de progrès. Il y a dans la répartition une disproportion sensible entre les contribuables, les paroisses & les généralités ; & les connoissances nécessaires pour établir un juste équilibre, ne sont pas même rassemblées. Les oppositions des cours, les résistances que ces oppositions occasionnent de la part des contribuables, la nécessité enfin de se servir d’une multitude d’employés, contre lesquels l’intérêt général se réunit, & qu’on cherche sans cesse à tromper ou à séduire ; ce sont là les difficultés que la vie momentanée du ministre des finances essaie en vain de surmonter ; & c’est ainsi que dans la forme actuelle d’administration une bonne pensée & des loix sages ne suffisent pas encore pour opérer le bien : au lieu que dans les administrations provinciales, il ne peut y avoir de l’inégalité que dans les principes ou les réglemens de répartition ; & c’est au gouvernement à y veiller. Mais ces principes une fois établis, ils représentent le vœu général, & l’exécution n’en est pas arrêtée, d’autant plus que l’intérêt commun oblige d’y veiller, & que les rapports entre les facultés des contribuables ne peuvent échapper.

Enfin, il reste à montrer que le pouvoir légal d’imposer ne seroit point affoibli par l’introduction d’une administration municipale ; & à cet égard une seule observation suffiroit, c’est que l’autorité de cette administration pourroit être bornée à répartir les impositions, & qu’ainsi les formes actuellement usitées pour les établir ne seroient point altérées.

Si l’on examine ensuite ce qui doit se passer pour le choix des impôts, on remarquera qu’en un pays d’états composé de trois ordres réunis aussi justement qu’il est possible, l’intérêt est le vœu national ; au lieu que les membres des cours souveraines, s’ils ne parviennent pas à s’élever au-dessus de leurs convenances particulieres, doivent nécessairement préférer ou rejetter des impositions par des motifs que la nation ne peut partager.

Bien loin donc qu’on dût envisager l’institution d’administration provinciale bien ordonnée, comme tendant à diminuer l’autorité, je ne doute point que les rois ne trouvassent dans ce contrepoids d’états & de parlemens, des moyens d’asseoir plus tranquillement leur autorité : la réunion de tant de corps presque toujours jaloux les uns les autres, devient impossible ; & si elle avoit jamais lieu, ce ne pourroit être que par l’effet d’un malheur général & par des actes accumulés d’injustices & d’oppressions.

Mais si votre majesté pouvoit instituer une administration qui, en applanissant le chemin à sa justice, ne fût qu’un obstacle possible aux abus du pouvoir, ce ne seroit peut-être à ses yeux que le point de perfection, puisqu’après avoir fait le bonheur de ses peuples pendant son regne, elle en seroit encore le bienfaiteur dans les tems les plus reculés.

Je cherche de nouvelles objections pour y répondre. Voudroit-on, par exemple, objecter les embarras qu’occassioneroient quelques pays d’états ? Mais il est bien aisé d’appercevoir que ces embarras tiennent à d’anciennes conventions vis-à-vis des provinces qui ont eu le droit de traiter en s’unissant à la France ; aucun n’existeroit dans la conversion volontaire d’une administration de pays d’élection en une autre administration quelconque. Les conditions les plus sages, les précautions contre tous les abus seroient le résultat facile d’un arrangement. La seule bienfaisance de votre majesté seroit dans le cas de dicter des loix. Bien plus (& ceci est une réflexion d’une grande importance) on tireroit un jour d’une administration provinciale bien ordonnée, un moyen de force pour corriger & perfectionner les constitutions actuelles des pays d’états, dont les vices même conservent un degré de respect, lorsqu’on n’a pour objet de comparaison que l’administration plus défectueuse encore des pays d’élection.

On dira peut-être enfin, qu’il seroit à craindre que le peuple ne perdît au changement qu’on propose, par l’effet de la supériorité que la noblesse pourroit prendre dans une administration provinciale.

Il paroît d’abord difficile que le peuple pût être plus maltraité qu’il ne l’est en général dans les pays d’élection, où l’on n’a d’autres secrets, à mesure