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rope, deux cens sept millions (1). Ce n’est pas un don que le Nouveau-Monde fait à l’ancien. Les nations qui reçoivent ce fruit important du travail de leurs sujets établis dans un autre hémisphère, donnent en échange, mais avec un avantage marqué, ce que leur sol ou leurs atteliers leur fournissent de plus précieux. Quelques unes consomment en totalité ce qu’elles tirent de leurs iſles ; les autres, ſur-tout la France, font de leur superflu la base d’un commerce florissant avec leurs voisins. Ainsi chaque nation propriétaire en Amérique, quand elle est vraiment industrieuse, gagne moins encore par le nombre de sujets qu’elle entretient au loin ſans aucuns frais, que par la population que lui procure au-dedans celle du dehors. Pour nourrir une colonie en Amé- rique, il lui faut cultiver une province en Eu- rope ; et ce surcroît de culture augmente sa force intérieure, sa richesse réelle : enfin au commerce des colonies tient aujourd’hui celui du monde entier.

Les travaux des colons établis dans ces iſles long-temps méprisées, sont l’unique base du commerce d’Afrique ; ils étendent les pêcheries et les défrichemens de l'Amérique septentrionale ; ils procurent des débouchés avantageux aux manufactures d’Asie, et doublent, et triplent peut-être l'activité de l’Europe entière : ils peuvent être regardés comme la cause principale du mouvement rapide qui agite notre globe. Cette fermentation doit augmenter à mesure que la culture des iſles, qui n’a pas encore atteint la moitié de son terme, approchera de ſ a perfection. Non-ſeulement la population s’est accrue dans les états propriétaires des iſles, mais elle y est devenue plus heureuse. Le bonheur est en général le résultat des commodités, et il doit être plus grand à mesure qu’on peut les varier et les étendre. Les iſles ont procuré cet avantage à leurs possesseurs ; ils ont tiré de ces régions fertiles dès productions agréables, dont la consommation a ajouté à leurs jouissances ; ils en ont tiré qui, échangées contre les denrées de leurs voisins, les ont fait entrer en partage des douceurs des autres climats. De cette manière, les empires que le hasard, le bonheur des circonstances ou des vues bien combinées, avoient mis en possession des iſles, sont devenus le séjour des arts et de tous les agrémens, qui font une fuite naturelle et nécessaire d’une grande, abondance.

Ce n’ést pas tout ; ces colonies ont élevé les îiations qui les ont fondées, à une supériorité d’influence dans le monde politique ; Sc voici comment. L’or 8c Targent, qui forment la circulation générale de l’Europe, viennent du Mexique, du Pérou Sc du Brésil ; ils n’appartiennent pas aux Espagnols 8c aux Portugais, mais aux

peuples qui donnent leurs marchandises en échange de ces métaux. Ces peuples ont entr’eux des comptes qui, en dernier résultat, ;vont seTblder-

à Lisbonne Sc à Cadix , qu’on peut regardercomme úne caisse commune Sc universelle. C’estlà qu’on doit juger de Taccroissement ou de la’ décadence du commerce de chaque nation ; celle qui est en équilibre de vente ou d’achat avec les. autres , retire son intérêt entier ; celle qui a acheté plus qu’elle n’a.vendu,

retire moins que son in-

rêt, parce qu’elle en a cédé une partie pour i s’acquitter avec la nation dont elle étoir débitrice ; celle qui a plus vendu aux autres nations qu’elle n’a acheté d’elles , ne retire pas sculei ment ce qui lui est dû par l’Espagne Scie Portugal , mais encore ce que lui doivent les autres nations avec lesquelles elle a fait des échanges. Ce dernier avantage est spécialement réservé aux peuples qui possèdent les ifles ; ils voient grossir annuellement leur numéraire par la vente des riches productions de ces contrées ; cette augmentation de numéraire assure leur prépondérance, Scies rend les arbitres de la paix 8c de la guerre.

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SECTION

QUATRIÈME.

Des moyens d’augmenter ces avantages. Rien ne seroit plus propre à augmenter ces avantages, que"le sacrifice du commerce exclusif que se sont réservé toutes les nations, chacune dans les colonies qu’elle a fondées. La liberté illimitée de voyager aux ifles, exciterait les plus grands efforts, échaufferait les esprits par une concurrence générale. Les hommes véritablement éclairés ont toujours fait des voeux pour voir tomber les barrières qui interceptent la communication directe de tous les ports de TAmérique avec tous les ports de l’Europe. Les gouvernemens, qui ne peuvent se conduire par Tes principes de cette bienveillance universelle , ont cru que des sociétés fondées , îa plupart fur Tintérêt partícú- . lier d’une nation ou d’un seul homme, dévoient restreindre à leur métropole toutes les liaisons de lèurs colonies : ces loix prohibitives assurent, ont-ils dit, à chaque nation commerçante de l’Europe, la vente de ces productions territoriales, des moyens pour se procurer des.denrées dont elle auroit besoin , ScUne "balance avantageuse avec toutes les autres nations commerçantes. Ce système, après avoir été lpng-temps jugé le meilleur , ^s’esi vu vivement attaqué , lorsque la théorie du commerce a franchi les entraves des préjugés qui lui scrvoient de bornes. Aucune nation, a-t -on dit, n’a dans fa propriété dé quoi fournir à tous les besoins que la nature ou Tinîagination donnent à, ses colonies. 11"n’y en a pas . (,) Nòus dirçns dans des articlesparticuliersce yit chaquenation de l’Europe tire des ifles de l’Amériçue.