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FER – FER


très-ductile étant froid ; mais lorsqu’il est chaud, il se brise sous le marteau : on le nomme fer cassant à chaud. Un autre fer étant chauffé à propos, est très-docile au forgeage ; mais lorsqu’il est froid, il se gerce, il se fend & se brise : on le nomme fer cassant à froid. Enfin, une troisième espèce paroît également ductile, soit qu’il soit chaud, soit qu’il soit froid : on l’appelle fer doux ductile.

Ces trois variétés ne sont pas les seules, remarque M. Grignon, que le fer présente. Il y en a une quatrième espèce qui est cassante à chaud & à froid.

L’acier, dans sa préparation, reproduit une nouvelle foule de variétés, qui procèdent non-seulement de la matière que l’on se propose de convertir, & qui est susceptible de différences de caractères que nous avons fait observer plus haut, mais encore des divers procédés qu’on emploie.

En général l’acier se prépare, ou par la fusion, ou par la cémentation ; le premier se nomme acier naturel, l’autre acier artificiel. Mais, de quelque espèce qu’il soit, on lui a assigné tant de noms différens qui procèdent de la diversité de sa matière première, ou du genre du procédé employé à sa préparation, ou de l’usage auquel une propriété particulière le rend plus propre, que nous croyons pouvoir nous dispenser de les rapporter.

Le fer est sans doute le seul métal dont le caractère soit aussi inconstant. On n’appercevroit pas un si grand nombre de différences dans ses propriétés, si quelque portion plus ou moins abondante de métal étranger ne s’amalgamoit avec lui, nonobstant la variété de ses mines, de leur matrice, & celle des procédés par lesquels on retire, par la fusion, ce qu’elles contiennent de métal. Il faut cependant être juste, & avouer que cette inconstance, souvent si fâcheuse, est la base & la principale source d’une infinité d’usages qui n’auroient pas lieu, si ses principales qualités du fer, telles que la dureté, la ténacité, la ductilité & l’élasticité, étoient toujours réunies & soutenues au même degré d’intensité. La propriété du fer seroit alors circonscrite dans une sphère rétrécie ; mais tandis que d’un côté la réunion de ces quatre propriétés forme une férie de nuances infinies de différentes qualités ; de l’autre, diverses combinaisons de substances de différentes natures réunies, offrent un vaste champ à l’industrie pour y déployer toute sa sagacité & avec tant d’avantages, que l’on peut dire que le fer est un prothée qui se présente sous tant de formes, que seul il tient lieu de plusieurs métaux.

La réflexion de M. Bergman est si bien fondée, ajoute M. Grignon, que je ne puis me dispenser de la développer.

Les fers les plus cassans à froid sont les plus propres à faire les clous à ardoise, tels que ceux de Moyeuvre dans le pays Messin, & ceux de Bretagne.

Les fers de roche de Champagne sont les plus propres aux bandages de voiture, parce qu’ils sont fermes & durs ; ils résistent au choc & au frottement.

Les chevilles de marine exigent un fer qui ne plie ni ne casse, ainsi que la grosse clouterie, tels ceux du Roussillon, du Dauphiné & du Limousin.

Les fers de la basse-Champagne, du Languedoc, de la Normandie, qui sont à grains & légèrement cassans, sont d’un bon usage pour la moyenne clouterie, parce qu’ils soudent facilement & font une belle pointe.

Il faut des fers nerveux & bien étoffés, pour contenir les assemblages de l’architecture & former les essieux de voiture ; tels ceux d’Alsace, de la Haute-Lorraine & du Berry.

Les ouvrages d’embellissement & de luxe, demandent des fers doux, homogènes, d’une pâte bien liée & d’une étoffe unie ; tels que les meilleurs de Franche-Comté bí quelques veines de roche en . Champagne.

Les trefileries ne peuvent employer que des fers doux, & dont l’étoffe soit supérieure à la pâte. L’Alsace, la Franche-Comté & le haut Langrois, fabriquent des fers de cette qualité, lorsqu’on apporte de l’attention à leur fabrication.

Les armes à feu exigent un fer d’une pâte homogène & d’une étoffe bien liée, ferme au marteau & à la lime, sans aigreur, un. peu de grain avec beaucoup de nerf gris, pour qu’ils soudent bien. Le Luxembourg françois, le Dauphiné, le Limousin, en fournissent de très-bons à cet usage, & quelques autres provinces, lorsque la qualité de la mine & l’attention dans la fabrication concourent de concert à donner au fer cette propriété.

Le fer est non-seulement précieux par ses éminentes qualités, mais souvent encore il surpasse en valeur tous les autres métaux, l’or même qui est à si haut prix. Une livre de fer simplement tirée en fil, centuple le prix du fer brut : lorsqu’il est employé dans le mécanisme des montres, il augmente de plus de 70 mille fois sa valeur ; & il excède son prix de 1,600,000 fois dans la composition de ces chefs-d’œuvre des arts qui fixent notre admiration.

Les nations civilisées qui préfèrent souvent l’art & le fini à l’utilité de l’ouvrage, ne sont pas les seules qui mettent le fer à si haut prix ; les Sauvages & les Barbares qui manquent de ce précieux métal, le préfèrent à tous les autres ; ils exposent même souvent leur vie pour voler ou enlever de force un clou.

Les Marbres d’Oxford fixent à l’an 1431 avant l’ère cretienne, les premiers rudimens de l’art de fabriquer le fer, d’après Eusebe, Clément d’Alexandrie, Strabon, Diodore de Sicile, Hésiode & Pline ; mais il y a lieu de croire que le fer a été connu & travaillé presque depuis le commencement du monde. Cependant, rien de plus obscur que nos connoissances actuelles sur la nature de ses parties intimes ; & il nous paroît, dit M. Berg-

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